Les 16 et 17 juillet 1942, plus de 13'000 juifs, des familles entières, dont de nombreux enfants, ont été arrêtées à travers Paris et envoyées au Vélodrome d'Hiver à deux pas de la tour Eiffel. C'est la police française de Vichy qui a procédé à cette rafle à la demande de l'occupant allemand.
Ces personnes ont été détenues dans des conditions d'hygiène déplorables, presque sans eau ni nourriture pendant cinq jours, avant d'être pour la majorité d'entre eux déportées vers les camps de concentration, essentiellement à Auschwitz. Moins d'une centaine en sont revenues.
Un nouveau lieu de mémoire inauguré par Emmanuel Macron
Le président français Emmanuel Macron a commémoré la rafle du Vel d'Hiv dimanche en inaugurant, en compagnie de rescapés, un nouveau lieu de mémoire dans l'ancienne gare de Pithiviers (Loiret), d'où sont partis des convois pour Auschwitz-Birkenau.
Dans son discours, le chef de l'Etat a appelé "les forces républicaines" à "redoubler de vigilance" face à l'antisémitisme: "Nous n'en avons pas fini avec l'antisémitisme. Et nous devons en faire le constat lucide. Cet antisémitisme est encore plus brûlant, rampant, qu'il ne l'était en 1995, dans notre pays, en Europe, et dans tant d'endroits du monde."
Désormais, l'antisémitisme "peut prendre d'autres visages, se draper dans d'autres mots, d'autres caricatures", a estimé Emmanuel Macron. "Mais l'odieux antisémitisme est là, il rode, toujours vivace, persiste, s'obstine, revient", a-t-il poursuivi, évoquant tour à tour la "barbarie terroriste", les "assassinats et crimes", les résurgences sur "les réseaux sociaux" ou les "profanations de tombes".
Parallèlement, la Première ministre Elisabeth Borne a assisté à la traditionnelle cérémonie sur le site de l'ancien Vélodrome d'Hiver, en compagnie de la maire de Paris Anne Hidalgo. "Il y a 80 ans, la France se perdait et commettait l'irréparable", a déclaré la cheffe du gouvernement, pour qui "ces jours de juillet, comme lors des rafles qui ont suivi, la France a perdu un peu de son âme".
Des enfants au moment des faits
Recueillir les témoignages des survivantes et des survivants est désormais une course contre la montre. "Que deviendra le travail de mémoire quand il n'y aura plus de survivants? On n'est plus nombreux, des gens de mon âge qui avaient 15 ans à l'époque", se souvient Joseph Schwartz.
Quand la police est venue frapper chez lui, dans l'Est parisien, Joseph n'y est plus. Prévenus qu'il se tramait quelque chose, son père et lui se sont cachés. Ils pensaient que sa mère et son petit frère ne risquaient rien, car les précédentes rafles ne prenaient que les hommes pour cibles. Mais cette fois-là, ils sont embarqués, ainsi que son père, qui s'est rendu dans l'espoir de les faire libérer. Joseph ne les a jamais revus.
Vous quittez vos parents la veille, tout va bien, on vous embrasse, on fait attention à toi et le lendemain il n'y a plus personne
"Vous quittez vos parents la veille, tout va bien, on vous embrasse, on fait attention à toi et le lendemain il n'y a plus personne", confie Joseph, 80 ans plus tard.
Appel à témoignages
Le Mémorial de la Shoah, qui rassemble des archives de victimes, a lancé un appel pour recueillir les récits des derniers témoins et survivants du Vel d'Hiv. "On a eu la surprise d'avoir une quarantaine de personnes qui se sont manifestées", confie Lior Lalieu-Smadja, cheffe du service photothèque du Mémorial.
Nous sommes 80 ans après les faits, c'est un devoir maintenant, je ne l’ai pas fait jusqu'à présent, je ressens comme un devoir, comme une urgence de le faire
"Les derniers témoins qu'on a eus (...) n'avaient jamais témoigné," a-t-elle ajouté. "Nous sommes 80 ans après les faits, c'est un devoir maintenant, je ne l'ai pas fait jusqu'à présent, je ressens comme un devoir, comme une urgence de le faire", a déclaré l'un d'eux.
Lior Lalieu-Smadja estime que le travail du Mémorial reste crucial pour faire vivre la mémoire des victimes, éduquer la société française et lutter contre la résurgence de l'antisémitisme.
Interviewé dans Forum, Laurent Joly, auteur d'un documentaire intitulé "La rafle du Vel d'Hiv, la honte et les larmes", reconnaît que cette commémoration est l'une des dernières avec des témoins directs de ce drame et que raconter ce qu'il s'est passé est très important. "Il y a très peu de livres de recherche sur le sujet, parce que les archives de la police ont été largement détruites. Il a fallu compenser ces destructions."
Une décoration de la police jugée choquante
Pour Joseph Schwartz, le plus choquant 80 ans plus tard est le fait qu'après la libération de Paris, la police parisienne ait reçu une décoration pour son rôle dans la libération de la ville.
"Pour des gens comme moi qui ont vécu cette période, c'est un outrage à nos morts. Quand on sait encore que huit jours avant la libération de Paris, on craignait les rafles faites par la police française (...). J'avoue que vous avez de quoi être désabusé", a-t-il déclaré.
En 1995, le président Jacques Chirac avait rompu avec l'histoire officielle attribuant la responsabilité de la rafle aux seules autorités d'occupation en reconnaissant que l'Etat français y avait apporté son concours.
boi avec reuters