En une semaine, deux incendies ont ravagé plus de 20'000 hectares de végétation en Gironde. Un homme soupçonné d'être à l'origine du départ d'un des feux a été arrêté avant d'être mis hors de cause, mais les enquêteurs soupçonnent toujours un acte volontaire comme origine de ces incendies. Deux autres hommes ont été arrêtés pour des feux dans le Gard et ont avoué les avoir volontairement allumés.
Ces actions délibérées sont loin d'être des premières, car 40% des feux sont d'origine malveillante en France, selon des données officielles. Mais quelle est la motivation de ces agissements criminels et pourquoi sont-ils difficiles à identifier.
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Longtemps considéré comme un simple d'esprit
Le pyromane (pyro, le feu, et mane, la folie) se définit comme une personne qui est fascinée par le feu au point de provoquer lui-même des incendies dans les cas les plus graves, suscitant ainsi un sentiment de soulagement. Il s'agit avant tout d'un trouble de la personnalité, d'un trouble du comportement souvent marqué par le désir d'être spectaculaire aux yeux du monde. Certains y voient un mécanisme similaire aux perversions sexuelles.
"Jusqu’au vingtième siècle, les études de cas décrivent l’individu pyromane comme étant simple d’esprit, empreint de nostalgie, dont les origines sociales et héréditaires seraient défavorisées et empreintes d’alcoolisme", indique un article de la Revue médicale suisse.
Alors que le terme "pyromane" est décrit pour la première fois en psychiatrie au 19e siècle, il faut toutefois attendre les années 1950 pour qu'une définition plus élaborée soit mise en place: "une personne qui agit sous une impulsion irrationnelle, avec tension interne et agitation, motivée d’aucune raison objective."
Une pathologie difficile à soigner
Selon les scientifiques, un pyromane va vouloir calmer son anxiété en boutant le feu. Il cherche aussi à jouir du spectacle provoqué par l'incendie. Interrogé jeudi dans La Matinale, le psychiatre Pantéleimon Giannakopoulos relève que certaines personnes voient dans le feu des éléments cathartiques, elles ont "le sentiment qu'elles peuvent purifier un endroit. Il peut très clairement y avoir de la jouissance".
La difficulté que l'on rencontre est de séparer la jouissance en lien avec le feu de la jouissance face à la destruction causée. Pour le psychiatre, il est donc crucial de différencier le pyromane de l'incendiaire. Ce dernier brûle dans le but de nuire, pour des raisons politiques ou par vengeance, ou par appât du gain, en vue de gagner de l'argent.
Quant au pyromane, il est fasciné par le feu et le soigner s'avère complexe. Pantéleimon Giannakopoulos juge qu'il faut tenter de maîtriser son anxiété avant le passage à l'acte, de lui apprendre à la gérer au moment de la montée de tension autour du feu. "On a aussi utilisé des médicaments, notamment des anti-dépresseurs, mais on n'a pas eu des résultats probants à ce sujet", conclut-il.
Au moins un an de prison en Suisse
Comme le pyromane n'est plus aujourd'hui considéré uniquement comme un simple d'esprit, il n'a donc plus de circonstances atténuantes. S'ils n'ont pas le même profil psychiatrique, pyromane et incendiaire ont donc un point commun: aux yeux de la loi, ils sont tous les deux considérés comme des criminels.
Les pyromanes étaient autrefois condamnés à périr par le feu vêtus d’une robe rouge, relève encore la Revue médicale suisse. Puis ce sont les lieux qu'ils habitaient qui ont été incendiés dans une démarche punitive. Aujourd'hui, le Code pénal règle la question avec son article 221: "Celui qui, intentionnellement, aura causé un incendie et aura ainsi porté préjudice à autrui ou fait naître un danger collectif sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins."
Une peine qui peut être alourdie en fonction des circonstances: "La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au moins si le délinquant a sciemment mis en danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes." L'an dernier, un homme qui avait provoqué une dizaine d'incendies dans la Broye a ainsi été condamné à dix ans de prison ferme, assortie de mesures thérapeutiques en institution.
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Sans aller aussi loin, les cantons ont aussi mis en garde les personnes qui seraient surprises en train de faire du feu en forêt, alors que cette pratique a été interdite cette semaine et jusqu'à nouvel avis à cause du fort risque d'incendie. Neuchâtel menace les contrevenants d'une amende allant jusqu'à 10'000 francs. Le Jura a pour sa part rappelé que toute personne provoquant un incendie est responsable des coûts engendrés par les travaux d'extinction et de remise en état des lieux.
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Jusqu'à la perpétuité en France
En France, la loi a aussi été durcie ces dernières années pour punir les pyromanes. Depuis 2004, les incendies de forêts allumés de manière volontaire sont passibles d'une peine pouvant aller de 15 ans de réclusion criminelle à la perpétuité, le tout assorti de 150'000 à 200'000 euros d'amende.
Si l'acte est involontaire, son auteur n'en est pas moins punissable également: les peines vont de deux à trois ans d'emprisonnement et les amendes de 30'000 à 45'000 euros.
Frédéric Boillat avec nvc