Depuis 2008, 150 domaines sont passés dans le giron d'investisseurs chinois, soit 3% des terres viticoles nationales. Mais certains investisseurs ont finalement été confrontés à de nombreuses difficultés dans la gestion de leur nouveau patrimoine: faillites, vignes et chais négligés, personnel impayé...
Un château dans le Bordelais, par exemple, a été repris par des investisseurs chinois à la fin des années 2000. Les dépenses y ont d’abord été fastueuses. Mais depuis le Covid, les financements en provenance de Chine se sont taris. Les vignes sont laissées à l’abandon, il n’y a pas eu de récolte depuis trois ans.
Personnel sans salaire
Ce n’est qu’un cas parmi d’autres, selon Corinne Lantheaume, la représente syndicale de la CFDT pour le secteur. Elle a défendu plusieurs employées et employés lésés par des propriétaires chinois, dont Hélène, qui n’a pas été payée pendant des mois. "On ne bouge plus, on ne dépense plus et on fait avec tout ce qu’on a sans achat supplémentaire", se désole-t-elle.
En face, le silence des patrons, voire l’absence d’interlocuteurs, pose problème. "Il faut envoyer un commandement d’huissier pour mettre en liquidation l’entreprise", indique Corinne Lantheaume. "Sauf que, comme on n’a pas de représentant légal, on le fait à qui? En Chine? Un peu compliqué… Or, c’était ce qui se profilait. Je trouve qu’on se retrouve très démunis", déplore la syndicaliste.
Recours en justice
Certains patrons chinois n’ont pas su gérer ce patrimoine viticole aux codes bien spécifiques. D’autres propriétés ont fermé à la suite d’affaires frauduleuses.
En 2018, la justice française a saisi une dizaine de propriétés au groupe chinois Haichang, pour soupçons de blanchiment, de faux et d'usage de faux. Parmi ces possessions, le château Sogeant, à quelques kilomètres de Bordeaux, et ses vignes, à l’abandon depuis quatre ans.
Sans pouvoir le prouver, les syndicats soupçonnent aussi certains investisseurs d’être venus pour faciliter la contrefaçon de vin de Bordeaux en Chine. C’est ce que pense Corinne Lantheaume: "Pour certains, on ne m’enlèvera pas de l’idée que le fait qu’ils étaient propriétaires d’une étiquette à Bordeaux leur permettait de mettre cette étiquette sur n’importe quelle quantité de vin, puisqu'aucun propriétaire n'allait contester la contre-façon."
Émotions jusqu'en Chine
Sur les 150 propriétés rachetées par des Chinois, au moins un tiers ont été revendues, ou sont en ce moment en friche. Le retentissement que provoque ces mauvaises greffes émeut jusqu’à Pékin. La Chine impose désormais de nouveaux contrôles à ses châteaux chinois du Bordelais qui exportent sur son territoire.
Reportage TV: Adeline Percept et Thomas Chantepie
Adaptation web: Antoine Michel