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L'Europe progresse en ordre dispersé face à la variole du singe

Une liste de pays à risque pour la variole du Singe en Inde. [EPA/Keystone - Idrees Mohammed]
L'Europe en ordre dispersé face à la variole du singe / Tout un monde / 7 min. / le 26 juillet 2022
Le 23 juillet, l'OMS a qualifié l'épidémie de variole du singe d'"urgence de santé publique de portée internationale". Près de 17'000 cas ont été recensés dans 75 pays, surtout en Europe. Mais le continent avance de façon désordonnée pour contrer sa progression.

Les trois quarts des cas de variole du singe ont été signalés sur le continent européen. Mais les Etats ont opté pour des mesures de lutte différentes. Certains pays proposent de vacciner préventivement une partie de la population, c'est-à-dire les groupes qui sont – en ce moment – particulièrement exposés au virus: la communauté homosexuelle, les travailleurs et travailleuses du sexe et le personnel de santé.

Parmi les pays qui proposent ce vaccin préventif, on trouve l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal, la Belgique et la France. Cette dernière a même adapté son processus.

"Au départ, l'idée était de limiter la propagation du virus, notamment au sein des foyers. On s'est finalement rendu compte que cette vaccination des cas contacts n'était pas suffisante pour freiner la propagation du virus. On a donc élargi la vaccination aux personnes qui sont le plus exposées", a expliqué mardi dans l'émission Tout un monde de la RTS le virologue spécialiste des virus émergents à l'Université de Montpellier et à l'Institut français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) Yannick Simonin. Un vaccinodrome a d'ailleurs ouvert ce 26 juillet à Paris.

Pas (encore) de vaccin pour la Suisse

Hors Union européenne, le Royaume-Uni propose aussi un vaccin en prévention. Mais ce n'est pas le cas en Suisse. Pour l'instant, ce vaccin n'est pas autorisé dans notre pays. Contacté par la RTS, Swissmedic, l'Institut des produits thérapeutiques, dit n'avoir "actuellement aucune demande d'autorisation de médicaments pour lutter contre la variole (du singe) et n'en a reçu aucune ces dernières années".

Plusieurs spécialistes interrogés par la RTS expliquent que certains marchés, comme la Suisse, sont trop petits pour intéresser les fabricants. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) confirme: "Dans la situation actuelle, dit-il, la société productrice du vaccin ne rentre pas en matière pour la livraison de petites quantités de ce vaccin... La Confédération évalue donc la possibilité d'un achat centralisé d’une quantité plus importante de doses".

>> Lire aussi : Plus de 180 cas de variole du singe en Suisse, mais l'OFSP n'est pas inquiet

Un seul vaccin existe pour l'instant, connu sous plusieurs noms – Imvanex en Europe, fabriqué par la société danoise Bavarian Nordic. Et les doses paraissent limitées: l'Espagne en a reçu 5000, la Belgique et le Portugal un peu plus de 3000. Une autre livraison est attendue en Europe, mais il est difficile de savoir quand.

De plus, les pays qui proposent une vaccination préventive étant les plus touchés par la variole du singe, il est compréhensible qu'ils aient rapidement activé des mesures pour juguler l'épidémie.

Des spécialistes divisés

On ne connaît pas encore toutes les données d'efficacité concernant ce vaccin, prévu à l'origine contre la variole humaine. Selon Yannick Simonin, il évite également la transmission, mais il est difficile pour l'heure d'établir un pourcentage d'efficacité. "Autant essayer", estime pour sa part Sylvie Briand, directrice du Département de gestion des risques infectieux à l'OMS, même si on ne connaît pas encore les bénéfices exacts du vaccin.

>> Lire à ce sujet : Un vaccin antivariolique existant approuvé pour lutter contre la variole du singe

"C'est maintenant qu'il faut agir, pour éviter que la maladie touche des populations plus fragiles, comme des personnes immunodéprimées, des femmes enceintes, de très jeunes enfants. On essaie de vacciner dans des conditions de 'recherche', puisqu'on en profite pour prendre toutes les informations disponibles et les données de façon à voir si ces vaccins sont efficaces et justement apportent la solution pour bloquer les chaînes de transmission", plaide Sylvie Briand.

Vers des changements de politique sanitaire?

Les choses vont peut-être évoluer, poursuit Yannick Simonin. "Certains pays européens, comme la Suisse, ont décidé pour l'instant de ne pas vacciner vis-à-vis de la variole du singe, probablement en partie parce qu'une partie de ces vaccins n'étaient pas encore formellement autorisés par l'Agence européenne du médicament, chose qui a été faite en fin de semaine passée. Il faut voir comment ces pays vont réagir à cette autorisation du vaccin, ainsi qu'au fait que l'Organisation mondiale de la santé ait déclenché son plus haut niveau d'alerte. Cela va sans doute appeler à une réaction des autorités sanitaires plus active dans différents pays européens".

>> Regarder aussi le sujet du 19h30 consacré à la progression des cas en Suisse :

La variole du singe progresse en Suisse mais moins que dans le reste de l'Europe
La variole du singe progresse en Suisse mais moins que dans le reste de l'Europe / 19h30 / 2 min. / le 26 juillet 2022

Pauline Rappaz

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Didier Pittet peu inquiet

Certains spécialistes se montrent moins inquiets. C'est le cas de Didier Pittet, médecin-chef du Service de prévention et contrôle de l'infection aux Hôpitaux universitaires de Genève. "Si on compare un virus pandémique comme le Covid-19, qui peut infecter tout le monde, qui a bloqué l'économie et qui a entraîné des problèmes sociaux extrêmement importants, évidemment, on n'est pas inquiet", a-t-il déclaré dans l'émission Tout un monde.

Il tempère tout de même: "Par contre, on voit bien que cette maladie peut être non seulement exportée de zones endémiques, mais aussi transmise d'homme à homme. Cette transmission est uniquement liée au comportement humain. Si l'on est pessimiste par rapport au comportement humain, on peut se dire: 'mon Dieu, quand tout ceci s'arrêtera-t-il? Est-ce qu'un nouveau virus pourrait naître de cette transmission accélérée?' Ou bien, on fait confiance au comportement humain et on se dit: 'corrigeons les comportements et, du coup, on corrigera la propagation de la maladie'".

>> Lire aussi : Les HUG participeront à une étude internationale sur la variole du singe