Lancée par des membres de la Faculté de droit de l'Université de Sao Paulo (USP), cette "Lettre aux Brésiliens et Brésiliennes en défense de l'Etat démocratique de droit" dépassait les 546'000 signatures samedi à la mi-journée, à deux mois de l'élection présidentielle. Il s'agit d'une réponse aux critiques incessantes du chef de l'Etat contre les institutions et le système électoral.
"Un moment de grand péril" pour la démocratie
"Nous vivons un moment de grand péril pour la normalité démocratique, de risque pour les institutions, avec des insinuations de non-respect du résultat des élections", estiment les auteurs du texte.
"Des attaques infondées et sans preuve remettent en cause le processus électoral et l'Etat démocratique de droit conquis de haute lutte par la société brésilienne. Les menaces contre les autres pouvoirs (...), l'incitation à la violence et à la rupture institutionnelle sont intolérables", poursuit la pétition, qui ne cite jamais nommément le président Bolsonaro.
Elle a été signée notamment par près de 3000 banquiers et industriels, mais aussi par d'anciens juges de la Cour suprême et de nombreux artistes comme le célèbre chanteur Chico Buarque.
Le revirement d'une grande faîtière industrielle
La pétition de l'USP a recueilli les signatures d'importantes associations patronales, comme la fédération des banques (Febraban) et la très influente Fédération des Industries de Sao Paulo (Fiesp).
En 2016, la Fiesp avait joué un rôle prépondérant dans la mobilisation de masse qui avait favorisé la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff.
L'adhésion de cette institution à la pétition est vue comme un revirement par de nombreux observateurs, les milieux d'affaires ayant soutenu Jair Bolsonaro lors de son élection en 2018, attirés notamment par le discours ultra-libéral du ministre de l'Economie actuel Paulo Guedes.
Menaces sur le résultat de la présidentielle
Le chef de l'Etat, au pouvoir depuis début 2019 et candidat à un second mandat, ne cesse de critiquer le système de vote électronique en vigueur au Brésil depuis 1996, alimentant la crainte qu'il ne reconnaisse pas le résultat de la présidentielle en cas de défaite.
Les derniers sondages le donnent largement perdant (18 points de retard) face à l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), seul candidat à même de l'emporter face à lui.
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"Je suis favorable à la démocratie"
Le président d'extrême droite n'a pas caché son mécontentement. "Qui est contre la démocratie au Brésil? Nous sommes pour la transparence, la légalité, nous respectons la constitution. Je n'ai pas compris cette pétition", a-t-il réagi jeudi, lors de son direct hebdomadaire sur Facebook.
Vendredi, il s'est fendu ironiquement sur Twitter de sa propre "Lettre en faveur de la démocratie", avec ce message des plus succincts: "Par le biais de cette lettre, je déclare que je suis favorable à la démocratie. Signé Jair Messias Bolsonaro, président du Brésil".
La pétition de l'USP doit être lue en public lors d'une cérémonie qui pourrait prendre des allures de manifestation le 11 août, à Sao Paulo. Selon les médias locaux, le site qui recueille les signatures a été la cible de plusieurs tentatives de piratage.
afp/oang