La Chine dénonce une provocation inacceptable et une violation de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. En représailles, elle devrait mener des exercices militaires à tirs réels, avec notamment des lancements de missiles tout autour de l'île. Ce blocus de facto de Taïwan matérialise une des stratégies possibles pour reprendre le contrôle du territoire.
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Cela ne veut pas pour autant dire que la Chine passera à l'action, mais il s'agit en quelque sorte d'une démonstration grandeur nature d'un des scénarios possibles imaginés par la Chine pour prendre l'île.
Mais même si Pékin n'ira pas forcément plus loin, ces opérations intensives sont de nature à tendre la situation sur le terrain. Plusieurs forces armées internationales sont présentes dans la zone et côtoient les forces armées chinoises. Une mauvaise interprétation ou un mauvais calcul pourraient allumer la mèche et conduire à l'affrontement.
Une ligne rouge
Un tel scénario n'est dans l'intérêt de personne, mais Pékin devrait se montrer ferme pour envoyer un message clair et faire comprendre qu'une ligne rouge a été franchie. Son but est d'éviter un précédent et décourager d'autres déplacements internationaux – occidentaux – de haut rang qui dynamiseraient ce que Pékin appelle les forces indépendantistes de l'île.
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Les Chinois veulent aussi envoyer un message aux Taïwanais pour leur faire comprendre que ce genre d'action est dangereux et qu'ils ont tout intérêt à coopérer avec Pékin.
De son côté, Nancy Pelosi souhaite elle aussi envoyer un message à Taïwan avec ce déplacement: celui du soutien clair des Etats-Unis à cet allié démocratique face au vent autoritaire de la Chine qui, depuis 2016, a intensifié ses revendications, ses opérations d'intimidation et a musclé sa rhétorique à l'égard de l'île.
En ignorant les mises en garde de Pékin, la présidente de la Chambre des représentants veut montrer que Washington ne se laissera pas intimider par le Parti communiste et résistera fermement à sa poussée autoritaire et révisionniste.
Dernier acte politique
Sur un plan plus personnel, Nancy Pelosi est sur le point de prendre sa retraite, après une carrière politique marquée par une opposition à la Chine et un soutien permanent à la question des droits de l'homme. Ce déplacement à Taïwan est un dernier acte politique fort en faveur des valeurs démocratiques qu'elle appuie, dans un contexte de montée en force des régimes autoritaires dont la Chine est en quelque sorte le porte-drapeau.
Au-delà du message symbolique, ce déplacement ne devrait toutefois accoucher d'aucune avancée concrète pour Taïwan. Raison pour laquelle il est très critiqué par toute une série d'experts, qui pointent une action maladroite, susceptible de nuire au territoire en accentuant encore les velléités de la Chine.
"Débloquer un verrou"
Invitée dans l'émission Tout un monde de la RTS, Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique, estime elle que cette visite pourrait permettre de rapprocher les Taïwanais des Occidentaux.
"Peut-être que cela va déclencher un mouvement où l'on verra davantage de visites de haut niveau et une sorte de normalisation des relations avec Taïwan, qui jusqu'à maintenant souffrait d'une forme d'ostracisme en raison des pressions chinoises".
L'experte poursuit: "Si ça débloque un verrou à ce niveau, en montrant qu'on peut avoir des relations avec Taïwan - sans parler de reconnaissance diplomatique - et que la Chine ne peut pas y faire grand-chose, finalement, ce sera plutôt positif".
Michael Peuker/asch
Qui est Tsai Ing-wen, la présidente de Taïwan?
Première femme élue démocratiquement présidente d’un pays asiatique, Tsai Ing-wen tient fermement sa position face à la Chine depuis son accession au pouvoir en 2016.
Admiratrice de Tatcher et de Merkel, cette néolibérale donne régulièrement des leçons de démocratie à son grand voisin. "Nous appelons la Chine à s’orienter courageusement vers la démocratie", lançait -t-elle en 2019. La même année, elle poussait pour faire adopter une loi en faveur du mariage homosexuel, une première dans le paysage asiatique.