Arrivée mardi soir à bord d'un avion militaire américain, Nancy Pelosi a quitté l'île mercredi à 18h (12h en Suisse) en direction de Séoul, prochaine étape de sa tournée asiatique, peu après sa rencontre avec la présidente de Taïwan Tsai Ing-wen.
Son bref séjour a déclenché l'ire de Pékin, qui considère Taïwan comme faisant partie de son territoire et s'oppose avec véhémence à toute forme de reconnaissance internationale de l'île. Les autorités chinoises ont réagi en condamnant sa venue et en lançant des exercices militaires autour de l'île, qu'elles considèrent comme partie intégrante de la Chine.
Exercices militaires
Vingt-sept avions militaires chinois sont entrés mercredi dans la zone de défense aérienne taïwanaise, ont annoncé les autorités de Taïwan. Il s'agit de la "zone environnante (Zone d'identification de défense aérienne, plus large que l'espace aérien)", a déclaré sur Twitter le ministère de la Défense taïwanais.
Par ailleurs, l'armée chinoise a annoncé qu'elle allait mener jeudi à midi (6h00 en Suisse) ses plus importants exercices militaires depuis des décennies autour de l'île, sur plusieurs jours et dans plusieurs zones au niveau de routes commerciales très fréquentées, parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises.
Ils incluent "des activités d'entraînement, y compris des exercices de tir à munitions réelles", selon des médias d'État. Par mesure de sécurité, l'Administration chinoise de la sûreté maritime a "interdit" aux navires de pénétrer dans les zones concernées.
Ils dureront jusqu'à dimanche midi. Les autorités de l'île ont dénoncé ce programme, soulignant qu'il menace la sécurité de l'Asie de l'Est.
Cochenille et pesticides
A ces réactions s'ajoutent désormais des sanctions commerciales: l'administration chinoise des douanes a décidé mercredi de suspendre l'importation des agrumes et de certains poissons de Taïwan. Pékin affirme avoir détecté "de façon répétée" un type de cochenille nuisible sur les agrumes et y avoir enregistré des taux excessifs de pesticides. Des emballages contenant deux types de poissons ont également été testés positifs au Covid-19, a-t-elle assuré.
De son côté, le ministère du Commerce a annoncé "suspendre l'exportation de sable naturel vers Taïwan" à partir de mercredi, sans donner d'explications. Le sable naturel est généralement utilisé pour fabriquer du béton et de l'asphalte, et Taïwan dépend majoritairement de la Chine pour s'en fournir.
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Selon une analyste spécialisée en agriculture d'un cabinet de conseils aux entreprises basé à Pékin, ce n'est pas la première fois que la Chine cible de cette manière ses échanges commerciaux avec Taïwan. "Quand les tensions diplomatiques et commerciales sont élevées, les régulateurs chinois adoptent généralement une attitude extrêmement stricte en termes de respect des règles (...) en cherchant tout motif justifiant une interdiction commerciale", a-t-elle relevé.
"Ceux qui offensent la Chine seront punis"
Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a prévenu mercredi que "ceux qui offensent la Chine devront être punis, de façon inéluctable".
"C'est une farce pure et simple. Sous couvert de 'démocratie', les États-Unis violent la souveraineté de la Chine", a également déclaré le ministre, en marge d'une réunion de l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) à Phnom Penh.
Réaction du G7
Les chefs de la diplomatie du G7 ont estimé mercredi qu'il n'y avait "aucune justification" pour la Chine à utiliser la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi à Taïwan comme "un prétexte" à des manoeuvres militaires "agressives".
"Il est normal pour les députés de nos pays de voyager à l'international. La réponse en forme d'escalade" de la Chine "risque d'augmenter les tensions et de déstabiliser la régions", jugent les sept pays les plus riches (Etats-Unis, Japon, France, Allemagne, Italie, Canada, Royaume-Uni) dans un communiqué.
ats/asch
"Provocations" américaines, dit l'ambassadeur de Chine en Suisse
Wang Shihting, l'ambassadeur de la République populaire de Chine en Suisse, estime dans le 19h30 que les sanctions économiques et les exercices militaires au large des côtes de Taïwan sont une juste réponse à une provocation américaine.
"La question de Taïwan est la question la plus importante, la plus centrale et la plus sensible dans les relations sino-américaines", souligne d'abord le diplomate. Selon lui, les Etats-Unis se serviraient stratégiquement de l'île: "Les Etats-Unis ont suivi une stratégie consistant à utiliser Taïwan pour contenir la Chine", avance-t-il. "Ils ont soutenu et agi de connivence avec les forces séparatistes de Taïwan et ont fait des provocations délibérées contre la Chine. Ils se sont rapprochés de la ligne rouge de la Chine."
Taïwan "ne reculera pas" face aux menaces de la Chine
La présidente de Taïwan Tsai Ing-wen a affirmé mercredi que l'île "ne reculerait pas" face à la menace de la Chine. "Nous allons (...) continuer à défendre la démocratie", a-t-elle affirmé lors de sa rencontre avec Nancy Pelosi, qu'elle a remerciée pour avoir "pris des mesures concrètes pour montrer (son) soutien indéfectible à Taïwan en ce moment critique".
Selon les coordonnées publiées par l'armée chinoise, une partie des opérations militaires doivent avoir lieu à 20 kilomètres des côtes de Taïwan.
"Certaines des zones des manoeuvres de la Chine empiètent sur (...) les eaux territoriales de Taïwan", a déclaré le porte-parole du ministère taïwanais de la Défense Sun Li-fang. "Il s'agit d'un acte irrationnel visant à défier l'ordre international", a-t-il dénoncé.
Pour Moscou, une "tentative délibérée d’irriter la Chine"
Du côté de la Russie, la réaction à la visite de Nancy Pelosi a également été très vive. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a qualifié son arrivée à Taïwan de tentative délibérée d’irriter la Chine. Il estime en outre que les Américains montrent ainsi qu’ils s’autorisent tout et qu’ils bénéficient d’une sorte d’impunité, à l’instar de leur attitude en Ukraine.
La porte-parole du Ministère russe des affaires étrangères Maria Zakharova a parlé d’une action sauvage permettant aux autorités américaines de détourner l’attention de leur public des problèmes intérieurs, comme de la situation en Ukraine, en créant une sorte de battage médiatique autour de cette visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des Représentants.