Sur l'île d'Eubée, au sud-est de la Grèce, le noir des terres brûlées et le vert de l'herbe qui repousse se mêlent à perte de vue. Mais plus on s'enfonce vers le nord de l'île, plus la noirceur des arbres calcinés prend le dessus, sur des kilomètres. Comme d'autres endroits dans le pays, l'île d'Eubée a connu l'an passé des incendies dévastateurs qui ont embrasé 56'000 hectares.
>> Relire : Après le nord, le sud de l'île d'Eubée est ravagé par les flammes
A 60 kilomètres du centre-ville, le village de Gouves, encaissé dans la montagne, avait durement été touché par les flammes. "Je n'ai même pas envie d’aller voir mes oliveraies. Elles sont près des forêts qui ont brûlé, il y en avait beaucoup. Chaque fois, je vais jusqu'au pont là-bas, puis je fais demi-tour. Je n'ai pas le moral", raconte Dimitri, un habitant de 80 ans, mardi dans La Matinale.
Pour lui, cela ne vaut plus la peine de produire de l'huile avec le peu d'arbres en vie qu'il lui reste. "S'il fallait que je replante des oliviers, que je les élague et brûle ensuite le branchage l'hiver, et que je les arrose et les soigne pour ramasser les olives et les emmener au pressoir, mon litre d'huile d'olive passerait à 10 euros. Personne ne l’achèterait, c'est fini pour moi", se désole-t-il.
"C'est la deuxième fois que je vis ça. Si tu te rappelles de comment c'était avant, émotionnellement tu n'es plus le même. C'est plus pareil", ajoute Giorgos, un retraité.
Des habitants désemparés
Avant les incendies, l'île d'Eubée vivait essentiellement de l'exploitation de la résine et du miel de pins, du bois de la forêt des oliviers, ainsi que de l'élevage et du tourisme. Après le passage des feux, les pâturages pour le bétail ont disparu, il n'y a pas plus de forêts à exploiter, ni de pins pour les abeilles et pratiquement plus de visiteurs.
En guise d'aide, le gouvernement grec a distribué des bons de vacances valables uniquement sur l'île. Mais pour Vaguelis Geogatsis, président des collecteurs de résine, cette initiative est un non-sens. "Cette campagne ne rime à rien. Dire aux gens d'aller dans un endroit ravagé par les flammes, juste parce que l'Etat offre un bon de 150 euros, ça ne tient pas la route", s'indigne-t-il. "C'est comme si on offrait 150 euros pour aller en enfer. Personne ne va venir."
Dans le village de Skepasti, niché dans la montagne, les traces des incendies sont encore visibles. "Nous attendons le nouveau programme pour réhabiliter la forêt. Si ça ne se met pas en route bientôt, nous sommes prêts à descendre sur Athènes et à nous planter devant le ministère pour qu'ils nous nourrissent jusqu'à ce que notre problème soit résolu", avertit Vaguelis Geogatsis. "Nous n'allons pas faire marche arrière, car ce n'est pas nous qui avons choisi de quitter notre île."
>> Lire aussi : "Aucune initiative pour protéger la forêt", dénoncent les habitants de l'île grecque d'Eubée
Dans le nord de l'île, l'exode des jeunes qui partent sur le continent inquiète. "Beaucoup partent pour la capitale, désespérés, parce qu'ils ne voient pas d'issue ici", rapporte Silas, charpentier à Tsopournia. "D'ici l'année prochaine, on ne sera plus que la moitié dans le village. Et bien sûr, ce sont d'abord les jeunes qui vont partir, ceux qui trouveront du travail ailleurs. Les vieux resteront. Qu'allons-nous devenir?"
Un espoir pour l'avenir
Sur l'île d'Eubée, la vie est dure. Il est possible de parcourir des kilomètres et des kilomètres et n'apercevoir que des arbres calcinés et des maisons brûlées. Si la plupart du temps on ne perçoit que de la tristesse et du désespoir parmi la population, certains habitants préfèrent voir les côtés positifs.
"Il faut recommencer à zéro, profiter de la technologie moderne et de toutes les études qui ont été faites en vue d'un développement durable pour la gestion de nos richesses naturelles. C'est une occasion unique sur le plan mondial de créer un modèle pionnier, ici à l'île d'Eubée, d'une communauté à fonctionnement durable", avance Kaliopie, guide au musée ethnographique de Gouves.
Beaucoup d'habitants de l'île voudraient rester positifs comme Kaliopie, mais sont déçus des aides promises par l'Etat qui n'arrivent pas. Ils tiennent néanmoins à se battre jusqu'au bout, et leur mobilisation prévue ce mois sera déterminante pour l'avenir de l'île.
Sujet radio: Angélique Kourounis
Adaptation web: iar