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L'avortement, le dossier qui fragilise les républicains lors des "Midterms"

Des manifestantes pro-avortement devant la Cour Suprême, à Washington, le 24 juin 2022 [Reuters - Jim Bourg]
Des manifestantes pro-avortement devant la Cour Suprême, à Washington, le 24 juin 2022. - [Reuters - Jim Bourg]
En juin, la Cour suprême enterrait l'arrêt autorisant au niveau fédéral les Américaines à avorter. Depuis, de nombreux Etats conservateurs ont modifié leur législation pour rendre plus difficile l'accès à l'IVG. Mais à l'approche des élections de mi-mandat, les républicains réalisent qu'en allant trop loin, ils pourraient y perdre des plumes.

La décision le 24 juin dernier d'annuler l'arrêt Roe vs Wade aura fait l'effet d'une bombe aux Etats-Unis. Bien qu'un premier brouillon ait fuité quelques semaines auparavant, la confirmation par la Cour suprême semble avoir pris tout le monde de court dans le pays, démocrates comme républicains.

Mais alors que les analystes voyaient ce vote de la plus haute juridiction américaine comme symbolique d'une victoire éclatante pour les républicains, les conséquences de ce choix s'avèrent sans doute plus compliquées que prévu pour le Grand Old Party (GOP).

Nouvelles législations, quid des électeurs?

Car si dans l'Amérique profonde, les lois de nombreux Etats ont déjà changé ou sont en passe de l'être pour limiter très fortement le droit à l'avortement*, comme dans l'Idaho, l'Oklahoma, le Missouri ou le Mississippi, certains candidats républicains sentent le vent tourner sur cette thématique.

>> Revoir le reportage du 19h30 sur les différentes lois en vigueur aux Etats-Unis concernant l'IVG :

Aux États-Unis, les lois concernant l’accès à l’avortement diffèrent largement d’un État à l’autre
Aux États-Unis, les lois concernant l’accès à l’avortement diffèrent largement d’un État à l’autre / 19h30 / 2 min. / le 7 juillet 2022

Le vote récent de l'Etat très républicain du Kansas (ndlr. en 2020, 56% des électeurs y ont préféré Donald Trump à Joe Biden), qui a dit oui au droit à l'avortement à 59%, semble avoir clairement rebattu les cartes. Et alors qu'ils pensaient avoir le vent en poupe, grâce à l'inflation, aux résultats économiques médiocres et à une popularité de Joe Biden en berne, de nombreux républicains craignent désormais un retour de bâton sur cette thématique sociétale capitale.

Car au niveau national, les dernières enquêtes d'opinion montrent qu'une majorité d'Américains et d'Américaines (55%) s'identifieraient comme "pro-choice", soit en faveur du droit des mères à décider de ce qu'elles font de leurs corps, et donc du droit à l'avortement. Les résultats du Kansas sont désormais une épine dans le pied de nombreux candidats qui avaient promis des législations fermes sur l'avortement et qui se questionnent désormais pour savoir si de telles positions ne pourraient pas entraver fortement leurs chances d'être élus.

D'après une analyse du journal The Economist, si de tels référendums avaient lieu partout en Amérique, 41 Etats sur 50 soutiendraient le droit à l'avortement.

>>Revoir le reportage du 19h30 sur le vote sur l'avortement dans le Kansas:

L'État républicain du Kansas dit oui au droit à l'avortement à près de 60%
L'État républicain du Kansas dit oui au droit à l'avortement à près de 60% / 19h30 / 1 min. / le 3 août 2022

Des politiciens qui changent de ton

Face à cette réalité, plusieurs politiciens républicains ont donc commencé à rétropédaler. En Pennsylvanie, Doug Mastriano, candidat au poste de gouverneur et connu comme étant ardemment anti-avortement, a récemment pris le parti de dire que les dispositions concernant l'IVG seraient décidées par la population et non par le gouverneur.

Dans le Minnesota, Scott Jensen, un médecin de famille qui a déclaré en mars qu'il "essaierait d'interdire l'avortement" en tant que gouverneur, a déclaré dans une vidéo publiée avant le vote du Kansas qu'il soutenait certaines exceptions : "Si je n'ai pas été clair auparavant, je veux désormais l'être", a-t-il ajouté.

D'une manière générale, les directeurs de campagne républicains encouragent les candidats à approuver les interdictions qui comportent des exceptions, notamment dans les cas où la vie de la mère est menacée ou si la grossesse est le fruit d'un viol ou d'un inceste.

Nancy Mace: "Des positions extrêmes pourraient coûter cher aux républicains"

Dans une interview diffusée dimanche sur la chaîne NBC, la députée républicaine de Caroline du Sud à la Chambre des représentants Nancy Mace a d'ailleurs fait clairement part de ses craintes.

D'après elle, les républicains auront un problème en novembre s'ils ne modèrent pas leurs positions sur l'avortement. "Nous devons absolument inclure des exceptions pour les femmes qui ont été violées, pour celles victimes d'inceste et certainement dans tous les cas où la vie de la mère est en danger", a-t-elle expliqué.

"The Handmaid's Tale (ndlr: nouvelle dystopique de Margaret Atwood où la religion règne en maître et où des femmes sont obligées d'accoucher) n'est pas censé être une feuille de route. Nous pouvons être au centre, nous pouvons protéger la vie et nous pouvons protéger les gens, des deux côtés", a-t-elle ajouté.

Pour celle qui a admis avoir été violée à l'âge de 16 ans mais qui continue à se déclarer "pro-life", la modération sur ce sujet sera donc la clef pour reprendre la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat.

Nancy Mace, députée pour la Caroline du Sud à la chambre des représentants. [Reuters - Elizabeth Frantz]
Nancy Mace, députée pour la Caroline du Sud à la chambre des représentants. [Reuters - Elizabeth Frantz]

Des républicains entre le marteau et l'enclume

Mais les républicains qui tentent de modérer leurs opinions, notamment dans les Etats les plus conservateurs, se retrouvent critiqués par l'aile la plus radicale des "pro-life", qui ne tolèrent aucune exception à l'interdiction des avortements. En cas d'assouplissement trop important, ces derniers pourraient donc également perdre de précieuses voix dans la course à l'élection.

De leur côté enfin, les démocrates semblent avoir bien compris que l'IVG pourrait être un sujet plus que porteur au cours des élections de mi-mandat. Certains candidats ont d'ailleurs recentré leur campagne sur cette thématique après le vote du Kansas. En Virginie, Elaine Luria, députée démocrate à la Chambre des représentants depuis 2018, a récemment publié un nouveau spot promotionnel, qualifiant Jean Kiggans, son adversaire républicaine, de "trop dure" sur l'avortement.

Au début de la campagne, la démocrate avait pourtant affirmé qu'elle se focaliserait avant tout sur l'emploi dans le district du sud-est de la Virginie pour lequel elle est candidate.

Alors que l'inflation est au plus haut et qu'une récession est à craindre, les démocrates espèrent donc pouvoir appuyer sur cette thématique phare pour garder la main au Congrès. Mais pour certains d'entre eux, Joe Biden n'apparaît pas assez crédible sur ce sujet. Comme le rappelle le New York Times dans un article, l'actuel locataire de la Maison Blanche a souvent eu une position pour le moins ambivalente sur cette question.

Catholique pratiquant, le président américain dit lui-même être mal à l'aise avec le mot "avortement", préférant utiliser des termes plus neutres comme ceux de "santé reproductive" ou encore du "droit de choisir". D'après le quotidien américain, le démocrate de 79 ans se retrouve à devoir mener un combat qu'il a cherché à éviter pendant des décennies. Une situation qui fait craindre aux nombreux défenseurs du droit à l'avortement qu'il ne soit tout simplement pas la bonne personne pour cela.

Tristan Hertig

*Au 9 août 2022, près d'une vingtaine d'Etats ont interdit/ fortement limité le droit à l'avortement ou sont en passe de le faire.

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