La victoire d'une alliance des droites centriste, populiste et surtout extrême semble donc se rapprocher, à un mois et demi des élections du 25 septembre et alors que le cabinet de Mario Draghi vit ses derniers jours.
A la tête d'un gouvernement d'union nationale, l'ancien patron de la Banque centrale européenne a démissionné après avoir perdu le soutien de certains partis et notamment de la frange principale du Mouvement 5 Etoiles (M5S).
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Un rapport de force qui n'est pas inédit
Si l'alliance de droite l'emporte et que la dirigeante de Fratelli d'Italia Giorgia Meloni arrive au pouvoir, cela représentera un vrai changement de cap.
Mais "ce rapport de force de 45% n'est pas du tout inédit, c'est ce qui ressortait d'études il y a plusieurs années déjà", rappelle Hervé Rayner, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne, jeudi dans l'émission Tout un monde de la RTS.
Montée de Fratelli d'Italia au détriment de la Ligue
De fait, "ce qui a changé, ce sont les rapports de force internes à la coalition de droite", poursuit ce spécialiste de l'Italie. "Il faut se rappeler qu'il y a encore quelques années, c'est Forza Italia qui était le parti central. En 2018, c'est la Ligue l'a dépassé". Et ce qui a changé encore durant la législature actuelle, ajoute Hervé Rayner, "c'est la montée de Fratelli d'Italia au détriment de la Ligue".
Sur cette période, Giorgia Meloni a joué assez finement. Elle n'a pas intégré le gouvernement d'union nationale de Mario Draghi, contrairement à ses autres alliés de droite. Elle est restée dans l'opposition et n'a donc pas de bilan à défendre, ce qui est clairement un avantage face aux électeurs.
C'est en tout cas l'avis de Francesco Maselli, correspondant en Italie pour le média français de tendance libérale L'Opinion. "Elle n'a jamais eu de revirement, elle est cohérente, elle a une politique de droite assumée sur la sécurité, sur l'immigration", fait-il remarquer. "Elle a un côté droite sociale au niveau économique. Cela fait partie d'un corpus idéologique qu'elle tient depuis des années".
Résultat: Fratelli d'Italia obtient entre 23% et 25% d'intentions de vote dans les sondages, soit dix points de plus que la Lega de Salvini.
La gauche divisée entre réformistes et radicaux
Les règlements de compte de la gauche italienne, tout comme les retournements de veste des partis du centre, ont aussi aidé cette belle progression. "La gauche est dans une situation de faiblesse parce qu'elle n'a pas su redéfinir son identité ces dernières années", relève Massimiliano Panarari, professeur de sociologie de la communication à l'Université Mercatorum de Rome. "Elle reste toujours partagée entre une gauche réformiste et une gauche radicale".
Le Parti démocrate, principale force du centre gauche, peine à définir une identité précise. "L'image que l'opinion publique italienne voit de cette coalition, c'est celle du chaos, de la confusion, de l'absence de repères et de programme unitaire", ajoute Massimiliano Panarari.
De son côté, le Mouvement 5 Etoiles, qui se lance seul dans la course, risque bien de sombrer.
Vaste compétition au sein de la coalition de droite
Mais ce n'est pas forcément pour autant une voie royale pour la droite, car les partis qui la composent sont en compétition. Ils affichent un programme assez uni sur le plan économique (en tout cas Fratelli d'Italia et la Lega), avec un discours social, des dépenses et des propositions de bonus pour aider les personnes en difficulté.
Mais sur le plan de la politique internationale, leurs positions sont très ambiguës. Giorgia Meloni est favorable à l'Otan mais eurosceptique, tout comme Salvini, alors que Silvio Berlusconi est plutôt pro-européen. Ces deux politiciens entretiennent par ailleurs des relations troubles avec la Russie.
Mais on peut imaginer la possibilité d'un futur Conseil italien avec à sa tête une présidente de 49 ans, Giorgia Meloni, et Matteo Salvini au ministère de l'Intérieur.
Giorgia Meloni et les fantômes fascistes
Pour l'instant, bien qu'elle affiche son patriotisme et ses valeurs conservatrices, la cheffe de file de Fratelli d'Italia prend beaucoup de soin à gommer les origines fascistes de son parti issu du Mouvement social italien et à ne pas se montrer trop anti-européenne.
Mais cet exercice a des limites. "Elle sait qu'elle ne peut pas dire qu'elle est complètement antifasciste, mais elle dit qu'elle n'était pas née à l'époque et que ce n'est donc pas son problème", explique le journaliste Francesco Maselli. "Mais une partie de ses militants sont des nostalgiques du régime, c'est indéniable", poursuit-il. "Après, il faut voir si c'est rédhibitoire pour l'électorat. Pour l'instant, il ne semble pas qu'il soit très préoccupé par la montée en puissance d'un parti qui rappelle ces racines."
"Les électeurs recherchent les solutions les plus simplistes"
Les Italiens avaient soutenu assez largement le plan de reprise économique de Mario Draghi et la société civile s'est mobilisée pour protester contre sa récente démission. Pourquoi les électeurs et les électrices le remplaceraient-ils donc maintenant par une figure "post-fasciste"?
Massimiliano Panarari a une explication assez simple: "Les électeurs recherchent les personnes qui proposent les solutions les plus directes et les plus simplistes".
"Mario Draghi était perçu comme une personne douée d'une crédibilité internationale importante", note l'universitaire italien. "Avec la chute du gouvernement, les électeurs vont à la recherche d'un autre leader, même si celui-ci a des caractéristiques très différentes. Ils ont besoin d'un leader fort, capable de résoudre les problèmes."
La campagne électorale n'est pas terminée et d'autres alliances peuvent encore émerger. Mais le professeur Hervé Rayner ne donne pas cher de cette coalition de droite si elle est élue. Il estime qu'elle ne résistera pas à l'hostilité des autres pays européens.
Or l'Italie, très endettée, a désespérément besoin des 200 milliards d'euros du plan européen. Dans un an ou deux, Rome devra appeler à nouveau à la rescousse un technocrate et c'est un mouvement de balancier que le pays connaît depuis longtemps.
Francesca Argiroffo/oang
Silvio Berlusconi veut faire son retour au Parlement
Dix ans après avoir été évincé du Parlement italien en raison d'une condamnation pour fraude fiscale, l'ex-chef de gouvernement Silvio Berlusconi a déclaré mercredi espérer y revenir à l'occasion des législatives de septembre.
"Je pense qu'à la fin, je me présenterai comme candidat au Sénat, pour que tous ces gens qui me l'ont demandé soient enfin heureux", a déclaré le milliardaire et magnat des médias de 85 ans à la radio Rai.
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