Selon les militantes et militants d'opposition au régime de Téhéran, les dirigeants iraniens sont responsables de l'attentat contre l'écrivain britannique Salman Rushdie, poignardé vendredi au cou et à l'abdomen dans l'Etat de New York par un sympathisant présumé des autorités iraniennes, que la police vient d'inculper (lire encadré).
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Ces opposants rappellent que la République islamique n'a jamais renié la fatwa contre l'auteur des "Versets sataniques", émise en 1989 par son fondateur, l'ayatollah Khomeini, et qui appelait au meurtre du romancier.
Alors que ce décret religieux ne fait plus partie du discours quotidien en Iran depuis un certain temps, le pouvoir clérical de l'actuel ayatollah Ali Khamenei n'a rien fait pour indiquer qu'il n'était plus valable. Au contraire, il a même souligné à plusieurs reprises qu'il était toujours en vigueur.
"Que la tentative d'assassinat d'aujourd'hui ait été ordonnée directement par Téhéran ou non, elle est presque certainement le résultat de trente ans d'incitation du régime à la violence contre ce célèbre auteur", a déclaré l'Union nationale pour la démocratie en Iran (NUFDI), basée à Washington. Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), groupe d'opposition interdit en Iran, a affirmé que l'attentat avait eu lieu à "l'instigation" de la fatwa de Khomeiny.
Sujet toujours tabou
Les militants insistent également sur le fait qu'une prime de plus de trois millions de dollars pour l'assassinat de l'écrivain restait offerte par une fondation iranienne.
Après l'attentat, l'agence de presse officielle iranienne IRNA a décrit Salman Rushdie comme l'"auteur apostat" des "Versets sataniques" et a rappelé la fatwa. Le quotidien conservateur Kayhan a salué l'agresseur comme un "homme courageux et conscient de son devoir".
Au marché aux livres de Téhéran, tout le monde était au courant de l'agression samedi. Mais seuls ceux soutenant cette attaque s'expriment. Plus de 30 ans après la publication des "Versets sataniques", le livre et son auteur sentent toujours le souffre en Iran et dans les rues de la capitale, personne n'ose ouvertement condamner l'attentat. Plusieurs personnes interrogées par l'AFP ont refusé de commenter l'attaque devant une caméra.
De leur côté, les autorités iraniennes n'ont encore fait aucun commentaire officiel.
Fatwa "irrévocable"
Pourtant, cet attentat survient à un moment délicat pour l'Iran, alors que les grandes puissances attendent une réponse de Téhéran à une proposition pour sauver l'accord de 2015 sur son programme nucléaire.
Pendant la période de dégel relatif entre Téhéran et l'Occident sous l'ancien président Mohammad Khatami, l'ex-ministre des Affaires étrangères Kamal Kharazi s'était engagé en 1998 à ce que l'Iran ne prenne aucune mesure pour mettre en danger la vie de Salman Rushdie.
Mais une réponse postée à une question sur le site du guide suprême iranien Khamenei en février 2017 indiquait que la fatwa était toujours valable. "Réponse: Le décret est tel que l'imam Khomeini l'a émis", pouvait-on lire. Il a également estimé en 2019 que la fatwa était "irrévocable".
jop avec afp
L'assaillant de Salman Rushdie inculpé de tentative de meurtre
Le suspect qui a poignardé l'écrivain Salman Rushdie lors d'une conférence dans l'État de New York a été inculpé d'agression et de tentative de meurtre et maintenu en détention, a déclaré samedi le procureur du comté de Chautauqua.
Dans un communiqué, le procureur du comté a déclaré que les services de police s'efforçaient de réunir des éléments sur la préparation de l'attaque, afin de déterminer si d'autres chefs d'inculpation devaient être retenus.
Sympathisant de l'extrêmisme chiite
La police a identifié le suspect comme étant un homme de 24 ans originaire de Fairview, dans le New Jersey, qui avait acheté un billet pour l'événement organisé à la Chautauqua Institution, dans l'ouest de l'État de New York.
Un examen préliminaire des comptes de médias sociaux du suspect par les forces de l'ordre a montré qu'il était un sympathisant de l'extrémisme chiite et des gardiens de la révolution islamique d'Iran (IRGC), bien qu'aucun lien définitif n'ait été trouvé, selon NBC New York.
L'inculpé est né en Californie et a récemment déménagé dans le New Jersey, selon un article de NBC New York, qui ajoute qu'il était en possession d'un faux permis de conduire.
Boris Johnson se dit "atterré", Emmanuel Macron affiche son soutien
Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est dit "atterré" par l'agression dont a été victime son compatriote l'écrivain Salman Rushdie aux Etats-Unis.
Je suis "atterré que Sir Salman Rushdie ait été poignardé alors qu'il exerçait un droit que nous ne devrions jamais cesser de défendre", a-t-il réagi dans un tweet, en allusion à la liberté d'expression.
Emmanuel Macron a également apporté vendredi son soutien à l'écrivain Salman Rushdie, assurant que "nous sommes aujourd'hui, plus que jamais, à ses côtés".
"Depuis 33 ans, Salman Rushdie incarne la liberté et la lutte contre l'obscurantisme. La haine et la barbarie viennent de le frapper, lâchement", a affirmé le chef de l'Etat français sur Twitter, affirmant que "son combat est le nôtre, universel".