La France est sur le point de battre un triste record cette année sur le front des incendies, avec plus de 50'000 hectares de forêts déjà partis en fumée dans de nombreux foyers. Parmi ceux-ci, une grande partie sont d'origine humaine et accidentelle.
Mais une quantité non-négligeable des sinistres sont d'origine criminelle. En France, cela s'est avéré dans un certain nombre de cas cette année. Des incendiaires ont été arrêtés notamment en Ardèche et dans l’Hérault. Et il y a de grandes suspicions pour que les incendies de Gironde aient également été volontairement déclenchés.
La proportion des incendies criminels est toutefois difficile à quantifier précisément. Le ministère français de l'Intérieur estime ce chiffre à 10%, tandis que l'Office national des forêts parle plutôt d'un incendie sur trois. En Australie, une étude de 2011 estimait que 25 à 50% des incendies dont la cause est connue étaient criminels.
Pas de profil-type précis
Se pose alors la question des profils et des motivations de ces pyromanes. Interrogé dimanche soir dans Forum, le psychiatre français Laurent Layet explique qu'il n'existe pas réellement de profil-type. Mais il est possible d'identifier certains points communs. Et de confirmer notamment que le fameux profil du "pompier pyromane" existe bel et bien.
"D'abord, ce sont essentiellement des hommes. Un certain nombre d'entre eux travaillent dans le domaine du feu, mais ce n'est pas une règle absolue", précise-t-il.
>> Plus d'informations sur ce sujet : Quel est le profil d'un pyromane et que risque-t-il?
Trouver une place dans la société
Selon l'expert, qui exerce auprès Cour de Cassation en France, un pyromane passe généralement à l'acte lorsqu'il traverse une période difficile de sa vie. "C'est souvent, en quelque sorte, un moyen d'essayer de résoudre des difficultés ou une problématique personnelles."
Les auteurs sont ensuite souvent dans le déni. Mais lorsqu'ils justifient leur geste, ils invoquent souvent "une tension, puis une satisfaction fugace au moment de mettre le feu", poursuit-il. "Après, pour un certain nombre d'entre eux, ils vont être les premiers à alerter, à porter secours ou à se rendre utiles. Ils vont trouver ainsi comme un deuxième souffle pour occuper une certaine place qu'ils n'arrivent pas à occuper dans la société."
Prise en charge compliquée
Laurent Layet note que, si les incendies volontaires peuvent être provoqués par des maladies mentales comme la dépression ou la schizophrénie, la pyromanie elle-même n'est pas une maladie psychiatrique. "Elle est plutôt évoquée comme un trouble, c'est-à-dire quelque chose qui altère le fonctionnement. Dans ce cadre-là, les soins sont beaucoup plus aléatoires et visent plutôt à essayer d'identifier des périodes propices au passage à l'acte, pour éviter la récidive. On est dans des mesures de prévention", explique-t-il.
Selon lui, la prise en charge sur le plan thérapeutique existe, mais elle n'est pas très bonne. "D'abord, parce qu'il faut que la personne reconnaisse une certaine souffrance. Et il faut qu'il y ait une demande de soin et de changement. Or, c'est assez rare chez ce type d'individus." Souvent, c'est le déni qui prime.
Responsabilité pénale
Le psychiatre rappelle enfin que la responsabilité pénale d'un pyromane est "au minimum partielle, voire totale: c'est-à-dire que lorsque l'individu allume l'incendie, il a conscience qu'il est en train de faire un geste répréhensible."
En France, les incendies de forêts allumés de manière volontaire sont passibles d'une peine pouvant aller de 15 ans de réclusion criminelle à la perpétuité, assortie de 150'000 à 200'000 euros d'amende.
En Suisse, l'article 221 du Code pénal fixe une peine privative de liberté d’un an minimum, qui peut être alourdie en fonction des circonstances et aller jusqu'à dix ans de prison ferme.
Propos recueillis par Mehmet Gultas
Texte web: Pierrik Jordan
Au moins deux cas avérés cette année en France
Cette année en Ardèche, un homme de 44 ans a reconnu être l’auteur de plusieurs départs de feu lors d'un incendie qui a ravagé 1200 hectares de forêt à Lussas. Très imbibé d’alcool au moment de son arrestation, il est poursuivi pour incendie volontaire.
>> Lire à ce sujet : Le suspect interpellé à la suite des incendies en Ardèche a reconnu les faits
Dans l’Hérault, un pompier pyromane est accusé d’être à l’origine de huit départs de feux qui ont brûlé quelque 800 hectares de végétation près de Montpellier. Il a été confondu par plusieurs témoins qui avaient repéré son véhicule. Ce père de famille de 37 ans a expliqué son geste par un besoin d'adrénaline, de "reconnaissance sociale" et de fuir "un cadre familial oppressant".