Alors que l'Europe traverse une crise énergétique qui fait craindre de grosses difficultés durant l'hiver, la France dépend à 70% du nucléaire pour l'électricité.
Dans ce contexte, le fait que seule la moitié des centrales soit en activité inquiète, et ce d'autant plus que la moitié d'entre elles tournent au ralenti en raison de la sécheresse.
Des tuyaux trop longs et trop tortueux
L'un des problèmes constatés est la corrosion qui affecte les réacteurs de nouvelle génération, une donne connue depuis quelques mois. Lors d’un contrôle de routine dans la centrale de Civaux en octobre 2021, les ingénieurs ont remarqué des microfissures sur des tuyaux en acier inoxydable.
Cinq mois d’enquête et de contrôles plus tard, le groupe énergétique EDF a conclu que le problème ne venait pas d’un vieillissement des tuyaux, car il touche au contraire les réacteurs les plus récents.
Pour faire des économies d’échelle, EDF a construit des centrales de plus en plus grandes, avec des tuyaux de plus en plus longs et tortueux. Et ceux-ci sont nettement plus sensibles à ce problème de corrosion.
La France désormais importatrice d'électricité
Les réparations sur les douze réacteurs concernés pourraient prendre plusieurs années. Cet imprévu de taille vient s’ajouter à la baisse des approvisionnements en gaz russe.
Plus largement, le ralentissement du parc nucléaire français est déjà acté: première exportatrice d’électricité eu Europe, la France est passée au statut d’importatrice l’hiver passé.
oang avec Ariane Hasler
Des cours d'eau trop chauds
Plusieurs réacteurs nucléaires d'EDF ont été contraints d'abaisser leur production en raison des températures élevées des cours d'eau utilisés pour leur refroidissement, a indiqué l'entreprise vendredi.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a par ailleurs prolongé ou délivré jusqu'au 11 septembre la dérogation environnementale délivrée à cinq centrales, pour qu'elles puissent continuer à fonctionner.
Un arrêté publié samedi au Journal officiel fixe "de nouvelles limites de rejets thermiques applicables aux réacteurs de la centrale nucléaire du Bugey, du Blayais, de Saint-Alban-Saint-Maurice, de Golfech et du Tricastin".
Chaque centrale a ses propres limites réglementaires de température de rejet de l'eau à ne pas dépasser, afin de ne pas échauffer les cours d'eau environnants et d'en protéger la faune et la flore.
Et en Suisse?
Dans ce contexte, la Suisse doit-elle s'inquiéter pour son parc nucléaire? Tout d'abord, la corrosion touche les centrales de nouvelle génération en France alors que les réacteurs suisses sont plus anciens: aucune nouvelle centrale nucléaire n'a été mise en service depuis 1984.
Toutefois, la plus récente des centrales pourrait poser problème: Leibstadt est pratiquement de la même génération que le réacteur français de Penly, qui est à l’arrêt depuis le début de l’année pour cause de corrosion sous contrainte.
Pour anticiper ces avaries, les centrales suisses subissent des contrôles étendus tous les dix ans, comme en France, mais elles continuent de fonctionner pendant ces check-up, alors qu'en France elles sont arrêtées pour un contrôle en profondeur.
Les découvertes françaises devraient toutefois avoir des conséquences en Suisse. Selon la loi, les exploitants des centrales sont tenus de s’informer des expériences faites dans des installations comparables et ils ont l’obligation d’adapter leurs centrales en conséquence.
Pour sa part, l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire n’a pas encore communiqué sur les incidents survenus en France, ni sur les mesures qui seront prises.
Ces problèmes inquiètent aussi la Fondation suisse de l'énergie (SES), qui est l'une des principales associations anti-nucléaires de Suisse. Pour Simon Banholzer, chef de projet au sein de la SES, les problèmes de corrosion sous contrainte sont loin d'être anodins.
"Cela montre encore une fois que l'exploitation à long terme est extrêmement dangereuse et met en danger la sécurité de l'approvisionnement en Suisse", a-t-il souligné lundi dans La Matinale de la RTS.
"On s'est demandé si les mêmes problèmes sont possibles chez nous", a-t-il précisé. "On a posé la question à l'autorité de la sécurité pour savoir ce qu'ils avaient fait, mais ils n'ont pas encore répondu".