Après avoir connu un rebond de l'activité en juin après la levée de nombreuses restrictions sanitaires, notamment à Shanghai, la capitale économique confinée pendant deux mois au printemps, l'économie chinoise demeurait fragile mi-août, éprouvée par les restrictions anti-Covid et une crise de l'immobilier.
Plusieurs indicateurs se sont révélés décevants en juillet, selon des chiffres officiels publiés lundi. Les ventes de détail, principal indicateur des dépenses des ménages, ont par exemple enregistré une hausse de 2,7% sur un an, contre 3,1% en juin. C'est moins que prévu par les analystes qui tablaient sur une accélération (+5%).
De son côté, la production industrielle s'est affichée en hausse de 3,8% sur un an, mais ce rythme est lui aussi inférieur à celui de juin (+3,9%) et aux prévisions (+4,6%).
Reprise au ralenti
Ces indicateurs "décevants" sont le reflet d'une "perte de vitesse" de la reprise post-pandémie, souligne Ken Cheung, analyste pour la banque japonaise Mizuho, cité par l'Agence France-Presse (AFP).
Dans ce contexte, la Banque centrale chinoise a décidé d'abaisser de manière inattendue ses taux de refinancement des banques (Repo). Le taux à sept jours a été fixé à 2% (contre 2,1% auparavant), tandis que celui à un an est abaissé à 2,75% (contre 2,85%).
L'objectif est d'accroître les liquidités pour les banques et in fine de les pousser à accorder davantage de crédits pour soutenir l'activité. "Il n'est toutefois pas certain que cela suffise" pour l'économie, estime l'analyste Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.
Rebond épidémique
Le spectre du Covid plane toujours sur la deuxième économie mondiale, qui reste tributaire de la politique sanitaire dite zéro-Covid, qui implique des confinements particulièrement stricts, qui pèsent sur l'économie avec des mises en arrêt inopinées d'entreprise et une baisse des ventes dans les commerces.
Or la situation sanitaire ne semble pas s'arranger: le pays est confronté ces dernières semaines à un rebond épidémique, avec 3757 nouveaux cas enregistrés le 14 août. Si cela reste loin des 29'520 cas du 14 avril, le virus touche plusieurs provinces, ce qui rend la situation plus difficile à contrôler.
Depuis début août, plus de 100'000 voyageurs sont ainsi coincés dans les stations balnéaires de Hainan, une île touristique du sud de la Chine, où quelques milliers de cas positifs ont été identifiés (voir reportage du 19h30 ci-dessous).
A chaque nouveau foyer, les scènes se répètent en Chine, relayées par les réseaux sociaux, montrant celles et ceux qui tentent de s'échapper alors que les autorités locales barricadent les lieux, que des renforts sanitaires arrivent, que des hôpitaux de campagne et des centres de dépistage sont déployés.
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Enjeu politique
Qualifiée de "pas soutenable" par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la stratégie zéro-Covid reste fermement défendue par Xi Jinping qui prétend ainsi protéger les personnes les plus vulnérables. Avec 38% des plus de 60 ans non vaccinés et les autres vaccinés avec un vaccin moins efficace que ceux utilisés en Europe et aux Etats-Unis, la Chine reste vulnérable face au Covid-19 et à ses variants.
Son abandon pourrait entraîner 1,55 million de morts dans le pays, avance une étude de l'Université Fudan de Shanghai, qui précise toutefois qu'une politique de protection des personnes vulnérables avec accessibilité aux vaccins et thérapies antivirales pourraient être suffisantes pour éviter de submerger le système de santé.
En prenant le risque de maintenir une politique zéro-Covid alors que les autres pays l'ont abandonnée, Xi Jinping confirme à quelques mois du Congrès du Parti communiste chinois -prévu en novembre- le virage autoritaire amorcé pendant la pandémie. En Chine, la politique et le contrôle social passent désormais bien avant la croissance économique.
Juliette Galeazzi