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La Grèce incrédule face à son Premier ministre dans le scandale des écoutes

Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis peine à convaincre face au scandale des écoutes. [AP/Keystone - Manu Fernandez]
Grèce: "Watergate" à Athènes / Tout un monde / 5 min. / le 19 août 2022
Un scandale d'écoutes téléphoniques visant des journalistes et des personnalités politiques de gauche ébranle la Grèce depuis plus de dix jours. Et la défense du Premier ministre, qui assure ne pas en avoir été informé, ne convainc pas grand monde.

Kiriakos Mitsotakis a demandé pardon au peuple grec pour ce scandale des écoutes téléphoniques via le logiciel de surveillance Predator, qui ébranle le pays et fragilise un peu plus son gouvernement. Le Premier ministre assure qu'il n'était pas au courant et que, s'il l'avait su, il y aurait mis un terme. Il en veut pour preuve le fait qu'il a limogé les premiers responsables.

Mais le conservateur n'a pas convaincu grand monde, y compris parmi les députés de son propre parti, comme l'ancien vice-ministre de la Culture Kostas Tsavaras. "C’est l'un des problèmes les plus graves auxquels a été confrontée la gouvernance Mitsotakis, cette affaire accable la scène politique grecque et blesse directement notre culture démocratique", souligne-t-il vendredi dans l'émission Tout un monde de la RTS.

Kostas Tsavaras estime que cela pose le problème du fonctionnement constitutionnel des institutions grecques: "Cela rouvre le débat sur des questions de fonctionnement démocratique que nous pensions avoir réglées depuis des décennies: la question de l’Etat de droit, de la limite de l’autoritarisme et de l’arbitraire de l’administration qui offensent directement la protection des droits individuels et des libertés fondamentales".

Une défense jugée "peu crédible" à gauche

Dans le camp de l'opposition, la condamnation des écoutes est totale. Et pour Stelios Kouloglou, eurodéputé du parti de gauche Syriza, la défense adoptée par le Premier ministre ne tient pas la route.

"La première action de M. Mitsotakis, juste après les élections de 2019, a été de mettre sous son contrôle personnel les services de renseignement grecs. Il a changé la loi pour nommer à leur tête son homme de confiance, M. Kontoleona", rappelle-t-il. "Maintenant, M. Mitsotakis veut nous convaincre que les services de renseignements et son homme de confiance ont décidé de mettre sur écoute le chef du parti socialiste, troisième parti du pays, et ex-eurodéputé, M. Androulakis, sans l’en avertir. C’est peu crédible".

Déjà un premier scandale du même type en 2006

Ce n'est pas la première fois que des scandales d'écoutes téléphoniques éclatent en Grèce. En 2006, la population avait appris, abasourdie, que la quasi-totalité du gouvernement conservateur de l'époque, y compris le Premier ministre et son épouse, étaient sur écoute au nez et à la barbe des services secrets. Mais on n'a jamais su qui était derrière cette opération et l'affaire a été étouffée.

Cette fois-ci, les services secrets ont avoué avoir organisé la surveillance. Le journaliste Tassos Telloglou suit ce dossier depuis des années et a du reste été auditionné par le juge d'instruction.

Logiciels d'écoute recherchés depuis 2013

"Les services de renseignement grecs cherchent à acquérir les logiciels en question depuis 2013", explique-t-il. "En 2015, une grande fuite a été publiée sur Wikileaks révélant les échanges et négociations entre l’entreprise italienne Hacking Team et le gouvernement grec entre 2013 à 2015. Cela ne date donc pas d’hier".

Loucas Stamellos, cofondateur du site d'information alternatif Omnia TV, estime lui aussi que ces mises sur écoute ont été préparées de longue date.

"Désormais, depuis la loi de 2021, les services de renseignement peuvent mettre sur écoute une personne avec l'autorisation confidentielle du juge", rappelle-t-il. "Mais quand cette surveillance prend fin, ils ne sont plus tenus d'informer la personne surveillée comme c'était le cas avant. De plus, cette mesure est rétroactive. Cela nous donne une idée de ce que voulait faire le gouvernement pour contrôler entre autres les journalistes".

Le fonctionnement du renseignement en question

Ce texte voté l'an dernier pose problème au député conservateur Kostas Tsavaras. Pour lui, les contrepoids via la Constitution à cette dérive autoritariste sont faibles.  "Le problème est que nous devons nous assurer de la transparence de leurs actions et de l’efficacité de leur travail", dit-il. "Là, pour la question des écoutes, leur fonctionnement à fait défaut. Je le dis sans détour".

Toutes les personnes mises sur écoute ont porté plainte et l'enquête suit son cours. Mais tout le monde, en Grèce, se demande combien de personnes sont encore sur écoute et si des services secrets ou des intervenants étrangers sont impliqués dans cette affaire.

La présidente du Parlement européen a condamné ces mises sur écoute et la rentrée des députés grecs a été avancée au 22 août pour leur permettre de lancer une enquête parlementaire.

Angélique Kourounis/oang

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Tous les médias grecs potentiellement visés

L'une des victimes de ces écoutes, le journaliste d'investigation pour les questions de corruption et de finances Andreas Koukakis, a porté plainte et tire la sonnette d'alarme.

"Pour ce qui est de la surveillance des journalistes, je ne suis pas la seule cible", précise-t-il. "Les services secrets ou ceux qui exploitent le logiciel Predator ne s'intéressent pas qu'à un seul journaliste travaillant sur des affaires judiciaires ou de corruption, mais aussi à ce que font nos rédacteurs en chef, éditeurs et tous les journalistes".