Ikea, H&M ou encore Starbucks: la liste de grands groupes occidentaux ayant annoncé leur retrait du marché russe s'est allongée ces derniers mois, à la suite de l'invasion russe en Ukraine.
Pendant ce temps, le président Vladimir Poutine fait le maximum pour maintenir l'illusion de normalité auprès de sa population. Le Kremlin encourage ainsi un système d'importations parallèles, ce qui a permis à des entrepreneurs de continuer à fournir certains produits occidentaux aux consommateurs. D'autres encore lancent des marques génériques, qui ressemblent à s'y méprendre aux originaux.
Le Starbucks russe
C'est notamment le cas de Stars Coffee, chaîne russe venue remplacer le géant des cafés Starbucks, qui a ouvert vendredi son premier restaurant à Moscou avec le slogan "Bucks est parti, les stars sont restées".
En mai dernier, la chaîne américaine connue pour ses latte et frappuccinos avait annoncé son retrait définitif du pays. C'est alors que fin juillet, un étonnant duo - le rappeur russe Timati et le restaurateur Anton Pinski - n'hésite pas à acquérir les 130 restaurants du groupe.
Sur son logo, la sirène verte et blanche a été remplacée par une fille en "kokochnik", coiffe traditionnelle russe. Les premiers clients ne semblent pas voir une grande différence.
"J'adorais Starbucks, et voilà qu'il est enfin rouvert - même si c'est à cause du changement de marque. En tout cas, ils proposeront des boissons similaires, donc je suis très contente" se réjouit Anastasia, une jeune Moscovite, goblet en plastique à la main.
Tous les restaurants de la chaîne doivent ouvrir en Russie d'ici fin septembre, selon les propriétaires, et environ 80% des quelque 2000 employés de Starbucks ont accepté de rester au sein de la nouvelle chaîne, selon la même source.
Le 12 juin, les "McDonald's russes" ont également ouvert leurs portes en grande pompe sous le nom de "Vkousno i totchka" (Délicieux. Point).
Après plus de 30 ans de présence en Russie, la célèbre chaîne de restauration rapide a annoncé mi-mai son départ définitif du pays et revendu ses activités, mais pas le nom de la marque, à un homme d'affaires russe, Alexandre Govor, également co-fondateur d'une entreprise de raffinage de pétrole.
Marché parallèle
L'industrie de la mode a elle aussi connu un chamboulement dans le pays. Des marques comme H&M ont annoncé leur départ définitif du pays mi-juillet.
Le géant suédois du prêt-à-porter a décidé de laisser ses portes ouvertes encore quelques semaines afin de liquider les stocks, et ainsi amoindrir le coût de son départ qui atteint 200 millions d'euros. Début août, les clients se pressaient encore pour espérer obtenir la dernière collection du moment.
Pour répondre à cette demande et contourner les sanctions, certains investisseurs se fournissent désormais via un réseau parallèle, comme l'explique Le Guardian dans un article.
Concrètement, des entrepreneurs locaux achètent des produits occidentaux en les faisant venir des pays voisins: Arménie, Biélorussie, Kazakhstan et Kirghizistan.
"L'idée de vendre des produits Zara est venue de ma femme, qui disait qu'elle voulait vraiment que les vêtements reviennent", explique Aleksandr Gorbunov. L'investisseur immobilier de Sibérie vient d'ouvrir un magasin - Panika (panique) - pour vendre des vêtements Zara importés du Kazakhstan.
Ces importations sont en réalité encouragées par le pouvoir russe. Objectif: faire en sorte que la population ressente le moins possible la pression des sanctions décidées contre le Kremlin.
"Les produits de consommation occidentaux qui peuvent sembler insignifiants peuvent avoir beaucoup de valeur pour le Russe moyen", explique le sociologue Grigory Yudin au quotidien britannique.
D'autres catégories de produits, comme l'automobile ou encore certaines produits technologiques, sont acheminés par des moyens détournés. Le gouvernement russe est allé jusqu'à publier une liste de marques étrangères éligibles à l'importation parallèle.
Récit en deux teintes
Si les consommateurs semblent épargnés, l'impact des sanctions occidentales sur l'économie russe est bien plus important que ce que montrent les chiffres officiels, d'après une étude de l'Université de Yale.
Cette image d'une économie russe qui tient bon malgré les sanctions est le résultat de "statistiques sélectionnées" par le président russe Vladimir Poutine, assurent ces experts en management.
Avec une récession du PIB attendue de 6,0% en 2022 (contre 8,5% prévu en avril), le pays s'en sort un peu mieux qu'attendu selon le Fonds monétaire international. Mais la récession en 2023 devrait en revanche être plus forte que prévu.
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agences / Doreen Enssle