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Polémique autour d'une course de karting organisée dans une prison française

Une course de kart a été organisée dans la prison de Fresnes en France. [AFp - Hans Lucas]
Une course de karting et des jeux dans une prison française font scandale / Le 12h30 / 1 min. / le 22 août 2022
Le ministre français de la Justice Eric Dupond-Moretti a annoncé samedi sur Twitter avoir "ordonné une enquête" administrative après l'organisation au sein de la prison de Fresnes, située dans la banlieue sud de Paris, d'épreuves ludiques au profit d'associations.

Cet évènement, baptisé "Kohlantess", avait eu lieu le 27 juillet au sein de l'établissement du Val-de-Marne, mais une vidéo a été diffusée vendredi, notamment sur Youtube, suscitant aussitôt une vive polémique.

Trois équipes - détenus, surveillants et habitants de Fresnes - s'affrontaient lors d'épreuves variées: questionnaire, karting, mime ou tir à la corde au-dessus d'une piscine.

Enquête ordonnée

Le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, qui ne semblait pas au courant de la tenue en prison de ces joutes inspirées du jeu télévisé "Koh Lanta", a annoncé samedi sur Twitter avoir ordonné une enquête: "Après les images choquantes de la prison de Fresnes, j'ai immédiatement ordonné une enquête pour que toute la lumière soit faite. La lutte contre la récidive passe par la réinsertion mais certainement pas par le karting!"

Le ministère a souligné que le Garde des Sceaux s'était "toujours montré favorable à ce que des détenus se voient proposer des activités sportives et culturelles, mais dans le projet tel qu'il avait été présenté n'apparaissaient pas les activités telles qu'elles se sont révélées dans cette vidéo, notamment celle de karting".

Dans la vidéo, l'organisateur de ce "Koh Lanta des cités" - dont une première édition opposant jeunes et policiers avait eu lieu en juillet dans la ville de Fresnes - précisait que les détenus ayant participé au jeu étaient en détention pour "de petites peines", qu'"ils ont été triés sur le volet par l'administration" et "sont tous dans un parcours de réinsertion, suivent des cours, ont un travail".

"D'accord, toutes les personnes (détenues) qui sont là le sont pour une bonne raison et la voie de la réinsertion passe par le travail en prison, mais nous avons aussi un devoir de ne pas les mettre de côté et de ne surtout pas oublier qu'ils sont des humains comme vous et comme moi", ajoutait-il.

Peu après l'événement, le directeur de la prison s'était de son côté félicité d'un "moment d'engagement fraternel au bénéfice de trois associations", en remerciant les organisateurs.

La droite et l'extrême droite s'étranglent

Durant tout le week-end qui a suivi la publication de la vidéo sur internet, plusieurs élus de droite et d'extrême droite ont vivement réagi, critiquant l'organisation de ces "activités estivales pour les détenus" à Fresnes. Le député LR Eric Ciotti a notamment dit: "Nos prisons ne sont pas des colonies de vacances dans lesquelles détenus et gardiens tissent des liens d'amitié."

Nos prisons ne sont pas des colonies de vacances dans lesquelles détenus et gardiens tissent des liens d'amitié

Le député Eric Ciotti (Les Républicains)

La question du coût de cet événement ludique a également fait débat, certains élus d'extrême droite dénonçant un financement "avec les impôts des contribuables". "Pendant ce temps-là, un enfant sur trois ne part pas en vacances par manque de moyens financiers. Les contribuables seront heureux de voir où part leur argent", a tweeté Hélène Laporte, vice-présidente RN de l'Assemblée nationale.

Toutefois, Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, a souligné sur Franceinfo que "cet événement exceptionnel" n'a "pas coûté un sou à nos impôts". Des propos confirmés peu après par le producteur de Kohlantess lui-même, qui a assuré sur BFMTV que ces défis ludiques filmés étaient sponsorisés par une chaîne de restauration rapide et une plateforme en ligne de paris sportifs.

A noter que plusieurs organisations de policiers ont également réagi négativement, tel le syndicat des cadres de la sécurité intérieure, qui a jugé les images "choquantes" et ironisé sur Twitter: "La prison doit favoriser la réinsertion mais doit-elle se transformer en centre de loisirs?".

Quid de la surpopulation carcérale?

Plusieurs élus de gauche, des avocats et des associations ont profité de la polémique pour dénoncer ce qui est, selon eux, le vrai scandale des prisons françaises, à savoir notamment la surpopulation carcérale et le manque d’hygiène, une situation encore dénoncée le 16 juin dans le rapport d'une ONG soutenue par Amnesty International.

"Ce qui me choque, moi, à Fresnes, c’est la surpopulation carcérale, ils sont à trois dans une cellule par 40 degrés, et il y a toujours autant de rats, de punaises de lit et de cafards", s'est notamment offusquée dimanche Dominique Simonnot dans Le Journal du dimanche.

Sujet radio: Alexandre Habay

Adaptation web: Fabien Grenon avec les agences

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Des animations en prison: un droit pour les détenus?

L’organisation d’activités culturelles ou ludiques en prison a toujours divisé tant elles peuvent paraître paradoxales dans un établissement censé priver ses résidents de liberté.

Si la question divise, l’association pour la prévention de la torture, dont le siège est à Genève, rappelle sur son site internet que les activités récréatives en prison sont un outil contribuant à la santé physique et psychique des personnes détenues. Elle indique que ce principe apparaît dans les règles Nelson Mandela, appelées ainsi en l'honneur du président sud‑africain qui a passé 27 années en prison.

Ces règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus stipulent notamment que tout établissement de privation de liberté doit mettre à la disposition des détenus un programme proposant des activités récréatives visant à maintenir ou améliorer leur état de bien-être général.

"Des activités récréatives et culturelles doivent être organisées dans toutes les prisons pour assurer le bien-être physique et mental des détenus", y est-il écrit. Objectif: favoriser leur réinsertion plus tard dans la société.