Favorite en vue des élections anticipées du 25 septembre, Girogia Meloni a diffusé sur Twitter la vidéo d'un viol afin d'évoquer un de ses sujets fétiches: la sécurité des villes. "On ne peut pas rester silencieux face à cet affreux épisode de violence sexuelle (...) par un demandeur d'asile", soulignait la candidate en partageant ces images que plusieurs médias italiens avaient publiées.
La séquence, filmée le 21 août au centre de Plaisance, en Emilie-Romagne, a depuis été retirée des plateformes Twitter, Facebook et Instagram pour violation de leurs règles d'utilisation. Plusieurs articles, dont celui du Monde, se sont néanmoins fait l'écho de ce début de campagne s'appuyant sur un fait divers sordide.
Une utilisation "indécente"
L'exploitation d'une telle vidéo à des fins électorales a fait bondir la gauche, qui a dénoncé son instrumentalisation et une atteinte à la dignité de la victime. Cette dernière, une femme de 55 ans qui réside en Italie depuis plusieurs années, a été reconnue par des proches, indique Le Monde. Elle s'est dite "terrorisée".
"Il est indécent d'utiliser les images d'un viol. C’est encore plus indécent quand c’est dans un but électoral", a tweeté Enrico Letta, à la tête du Parti démocrate. "Elle est victime une deuxième fois", s'est pour sa part indignée l'élue démocrate Valeria Valente. Présidente de la commission d'enquêtes sur les féminicides au Sénat, elle a exigé des "excuses" de Giorgia Meloni.
Quelques heures plus tard, la leader d'extrême droite a répliqué en dénonçant les "délirantes mystifications de la gauche", qui l'attaquerait personnellement plutôt que d'évoquer les sujets sécuritaires.
Une enquête a été ouverte par le Parquet de Plaisance pour diffusion illicite de vidéo. L'agresseur présumé sur la vidéo, un ressortissant guinéen de 27 ans, a lui été arrêté.
Un "racisme sournois"
Cette histoire illustre à elle seule le climat politique qui règne en Italie où les questions liées à la sécurité et à la migration restent ultra-sensibles. Au coeur de l'été, un autre événement a défrayé la chronique.
Vendredi 29 juillet, un homme a battu à mort un Nigérian qui lui demandait l'aumône en plein centre de Civitanova, dans les Marches. L'acte a été condamné par tous les candidats, y compris Giorgia Meloni qui parle d'"horrible homicide" sur sa page Facebook, mais l'affaire n'a pas manqué de donner lieu à une passe d'armes entre gauche et droite par éditorialistes interposés.
Le terrain est prospère à un "racisme sournois" relève le directeur de La Stampa Massimo Gianni, cité par Courrier international.
La politique, la bonne politique, devrait s'occuper de ce mal-être occidental, répondre à la solitude pleine de rancoeur de l'homme blanc. Or depuis trop longtemps déjà, les mouvements de droite du Vieux-Continent font l'inverse
Même son de cloche dans les colonnes de La Repubblica où l'on fait le parallèle avec le meurtre de George Floyd, ce Noir américain mort étouffé par un policier blanc, qui avait contraint l'Amérique à un examen de conscience. "Quel pays sommes-nous devenus, et quel pays voulons-nous devenir pour nos enfants?", interroge le quotidien.
A droite, réactions exaspérées dans Il Giornale qui reproche à ses confrères l'instrumentalisation de cet acte pour "attaquer la prétendue recrudescence du racisme en Italie".
"Ingérences" russes
Ces débats s'inscrivent dans un contexte plus large. Car le retour de la droite dure, plus russophile, au pouvoir pourrait aussi infléchir la position italienne à l'égard de Moscou.
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L'ancien président russe Dmitri Medvedev l'a rappelé à sa façon le 18 août. "On aimerait voir les citoyens européens non seulement s'indigner contre les actions de leurs gouvernements (...) mais leur demander des comptes et les punir pour leurs stupidités évidentes", a-t-il écrit sur la messagerie Telegram.
Ces propos ont suscité l'indignation du ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, qui a dénoncé "une ingérence de la Russie dans les élections italiennes".
Nous devons reconfirmer ce choix [d'être aux côtés de l'UE et de l'Otan]. Il est clair que l'élection du 25 septembre portera aussi sur cela
L'Italie, sous la houlette du Premier ministre sortant Mario Draghi, a jusqu'ici soutenu sans réserves l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe, en lui fournissant armes et aide humanitaire.
Pour le dirigeant du Parti démocrate Enrico Letta, Moscou tente de "changer la position de la politique étrangère italienne qui depuis le début est très claire aux côtés de l'UE et de l'Otan".
Le leader de la Ligue, Matteo Salvini, qui avait signé un pacte avec Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, et avait envisagé de se rendre à Moscou après la début de l'invasion russe avant de renoncer, s'est pour sa part défendu: "Je ne vais pas en Russie depuis des années (...) La Russie n'a pas la moindre influence sur les élections italiennes".
Juliette Galeazzi