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Cinq ans après la répression, l'avenir est toujours sombre pour les Rohingyas

Le camp de réfugiés rohingyas de Cox Bazar, au Bangladesh. [Keystone - EPA/Monirul Alam]
Cinq ans après la répression, l'avenir est toujours sombre pour les Rohingyas: interview de Sophie Brondel / Forum / 5 min. / le 27 août 2022
Il y a cinq ans éclatait en Birmanie l'une des plus grandes crises humanitaires de ces dernières décennies: des centaines de milliers de personnes de l'ethnie rohingya fuyaient les violences commises par la junte. Beaucoup se sont réfugiés au Bangladesh et d'autres sont restés au pays, cantonnés dans des camps.

En 2017, la répression militaire de la junte au pouvoir a poussé plus de 740'000 réfugiés vers le Bangladesh, faisant état de meurtres, d'incendies criminels et de viols dans le cadre d'une répression qui, selon les États-Unis, a constitué un génocide.

Les quelque 600'000 Rohingyas restés en Birmanie sont logés dans des camps après avoir été déplacés lors de précédentes vagues de violence ou vivent une existence précaire à la merci des militaires et des gardes-frontières.

La plupart d'entre eux se voient refuser la citoyenneté et sont soumis à des restrictions en matière de déplacement, d'accès aux soins de santé et à l'éducation, un traitement qui, selon l'ONG Human Rights Watch, s'apparente à un "apartheid".

Des espoirs anéantis

Maung Soe Naing travaillait loin de chez lui lorsque des soldats et des bouddhistes de l'ethnie Rakhine ont commencé à se déchaîner dans les villages rohingyas à la suite d'attaques d'insurgés rohingyas, le 25 août 2017. "Je ne tenais pas en place tellement j'avais peur", raconte-t-il. Caché par un ami rakhine, il a pu échapper aux violences et a retrouvé sa mère un mois plus tard.

Le jeune homme est toutefois resté vivre en Birmanie et il ne regrette pas son choix. Il se sent chez lui, même si ses conditions de vie sont désastreuses, ses déplacements sont contrôlés et sa maison est peu à peu tombée en ruine.

Tout espoir de voir la vie s'améliorer après les violences a été anéanti. Les autorités ont "limité nos mouvements plus qu'avant et les opportunités d'emploi et les connexions ont été coupées", explique-t-il. "Nous nous demandons toujours s'il y aura à nouveau une répression". "Nous n'avons pas d'avenir", conclut-il.

Un coup d'Etat qui n'a rien arrangé

Depuis le coup d'État de février 2021, les forces de sécurité ont arrêté environ 2000 Rohingyas, dont des centaines d'enfants, pour "déplacement non autorisé", selon Human Rights Watch. Le retour au pouvoir des militaires a réduit davantage les espoirs d'une voie vers la citoyenneté ou même d'un assouplissement des restrictions actuelles.

Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, qui était à la tête des forces armées lors de la répression de 2017, a qualifié l'identité des Rohingyas d'"imaginaire".

Coordinatrice de l'Association Info Birmanie, Sophie Brondel juge samedi dans Forum que le système institutionnel de persécution est toujours en place. "Le coup d'Etat rend le retour des Rohingyas au pays impossible. Même si une grande majorité aspirent à rentrer chez eux, avec la junte au pouvoir, à savoir les militaires qui sont les mêmes qui les ont massacrés, il n'y a pas de perspective de retour."

Manifestation au Bangladesh

Près d'un million de Rohingyas sont toujours réfugiés dans des camps de fortune dans le sud-est du Bangladesh. Ils ont manifesté jeudi pour marquer le cinquième anniversaire des massacres de leur peuple.

A grand renfort de banderoles et de slogans, cette communauté majoritairement musulmane s'est rassemblée dans le dédale de Cox's Bazar, plus grand camp de réfugiés au monde.

>> Lire aussi : Les réfugiés rohingyas commémorent les cinq ans du génocide de leur peuple en Birmanie

Désormais, c'est la Malaisie, à majorité musulmane, qui est la destination de choix pour ceux qui tentent de quitter la Birmanie. Ils tentent leur chance avec des passeurs par voie terrestre ou lors de périlleux voyages en bateau qui durent des mois sur des mers tropicales.

boi avec afp

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