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Une société américaine aiderait à identifier les femmes se rendant dans les cliniques pratiquant l'avortement

Une société américaine aiderait à identifier les femmes se rendant dans les cliniques pratiquant l'avortement
Une société américaine aiderait à identifier les femmes se rendant dans les cliniques pratiquant l'avortement / Forum / 2 min. / le 30 août 2022
L'Agence américaine de protection des consommateurs, la FTC, a assigné lundi en justice une société de collecte de données. Elle est accusée notamment de faciliter l'identification de femmes s'étant rendues dans des cliniques pratiquant l'avortement

La FTC reproche à Kochava, la société en question, de vendre des données de géolocalisation qui permettent de suivre les déplacements d'une personne, entre autres "vers et depuis des endroits sensibles", a expliqué le régulateur dans un communiqué de presse.

La FTC mentionne ainsi des cliniques pratiquant l'interruption volontaire de grossesse (IVG), mais aussi des lieux de culte, des centres d'hébergement pour sans-abri ou victimes de violences conjugales, ainsi que des centres de traitement des addictions.

"Centaine de milliers" de smartphones

Les données vendues par Kochava, qui concernent des "centaines de milliers" de téléphones portables, selon la FTC, ne comprennent pas les identités des propriétaires de ces smartphones. Mais il est possible de les retrouver en opérant des croisements, notamment avec les adresses où les téléphones mobiles se trouvent la nuit et le nom des propriétaires de ces logements.

Les détenteurs des téléphones "ignorent souvent que leurs données de géolocalisation ont été achetées et partagées par Kochava et n'ont aucun contrôle sur leur vente ou leur utilisation". En vendant ces données, Kochava permet à d'autres "d'identifier des individus et de les exposer à des menaces, du harcèlement, de la discrimination, la perte de leur emploi et même à la violence physique", fait valoir la FTC.

Protection des données pas unifiée aux Etats-Unis

"Aux Etats-Unis, la réglementation en matière de protection des données n'est pas aussi stricte ni aussi uniformisée qu'en Europe, avec le règlement européen de protection des données. Il n'y a pas de droit de propriété sur ces données", explique Juliette Ancelle, avocate associée spécialisée en technologie, dans l'émission Forum mardi.

Face aux nombreuses entreprises aux Etats-Unis qui font de la revente de données leur "business model", les consommateurs et consommatrices devraient pouvoir faire un choix éclairé au moment d'accepter de partager leurs données, comme la géolocalisation.

"Mais pour accepter, il faut savoir ce qui en est fait, comment ça peut être utilisé, quelles données on partage", note la spécialiste. Or, on n'est souvent pas très regardant au moment d'accepter des conditions d'utilisation, sur lesquelles on a peu de contrôle. "On en arrive finalement à une forme de renonciation à comprendre", décrit Juliette Ancelle. (....) A l'instar des effort la législation européenne, il faudrait dès lors faciliter la compréhension des utilisateurs et utilisatrices, et pas tout accepter par défaut, plaide l'avocate. "C'est là que le bât blesse aux Etats-Unis, et cela justifie que ce soit l'administration protégeant les consommateurs qui intervienne aujourd'hui." 

>> L'interview de Juliette Ancelle dans Forum:

Les enjeux aux USA en matière de protection des données sur internet: interview de Juliette Ancelle
Les enjeux aux USA en matière de protection des données sur internet: interview de Juliette Ancelle / Forum / 5 min. / le 30 août 2022

Effacement des données réclamé

La décision fin juin de la Cour suprême de supprimer le droit à l'avortement a fait de la protection de toutes les données relatives à l'IVG une question majeure.

Début juillet, Google a annoncé que les données de localisation des utilisateurs visitant une clinique pratiquant l'IVG seraient automatiquement effacées. Depuis la décision de la Cour suprême, au moins 13 Etats américains ont rendu illégal l'avortement dans la plupart des cas.

L'assignation de la FTC a été déposée auprès du tribunal fédéral d'Idaho, où se trouve le siège de Kochava et qui fait partie des Etats qui ont interdit l'avortement. Le régulateur réclame une injonction interdisant à la société de vendre les données et l'obligeant à effacer toutes les informations sensibles. Sollicitée par l'AFP, Kochava n'a pas donné suite immédiatement.

afp/asch

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Un comité onusien inquiet pour les minorités

La décision récente de la Cour suprême américaine de révoquer le droit à l'avortement affecte davantage les minorités et les bas revenus, selon un comité onusien. "Très inquiet", il a demandé mardi au gouvernement d'éliminer ces disparités avec le reste de la population et de garantir un accès "sûr" et légal" à l'IVG pour toutes les femmes.

Dans ses recommandations après l'audition des Etats-Unis publiées à Genève, le Comité de l'ONU pour l'élimination des discriminations raciales appelle les autorités fédérales et des Etats à honorer les obligations du pays en termes de droit international. Ces experts indépendants, qui ne s'expriment pas au nom de l'organisation, demandent au gouvernement de faire tout son possible pour atténuer les problèmes auxquels s'exposent les femmes qui souhaitent avorter.

Celles-ci ne doivent pas faire l'objet d'une criminalisation, ajoutent-ils. Le personnel de santé qui pratique les interruptions volontaires de grossesse (IVG) "doit être protégé" de toute poursuite éventuelle, a affirmé à la presse une responsable du comité. De même, les voyages de femmes vers un Etat qui accepte les avortements doivent être facilités.