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De jeunes Innus du Québec en marche vers la reconstruction

Deux filles de la communauté innue du Canada dans leur maison de la réserve Davis Inlet (Terre-Neuve-et-Labrador). [Keystone/AP Photo/CP - Andrew Vaughan]
Québec: la jeunesse autochtone innue à la recherche de leur identité / Tout un monde / 4 min. / le 13 septembre 2022
Peuple autochtone établi dans l'est du Labrador, les Innus, comme beaucoup d'autres peuples autochtones américains, ont subi déracinement et tentatives d'assimilation forcées au siècle dernier. Pour se reconstruire, les jeunes de la communauté partent aujourd'hui sur les chemins de leurs ancêtres.

En juillet dernier, lors de sa visite au Canada, le pape François avait présenté ses excuses aux Premières Nations (un terme qui, depuis les années 1970, désigne les indiens natifs du Canada) pour les souffrances endurées par ce peuple meurtri par la colonisation.

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Arrachés à leurs parents et à leur mode de vie nomade, scolarisés de force dans des pensionnats religieux pendant plus d’un siècle, beaucoup d'enfants du peuple autochtone Innu, au Québec, ont perdu leur langue et leur culture, mais aussi leur innocence. Coupés de leur famille et empêchés, à l'école, de parler leur langue, beaucoup d'entre eux, devenus adultes, n'ont pas pu transmettre leur héritage à leur descendance. Leurs enfants sont souvent touchés par l'alcoolisme, l'addiction aux drogues ou les comportements suicidaires.

Savoir comment la vie est arrivée jusqu'à soi

Certains tentent aujourd'hui de se reconstruire en se reconnectant à leurs origines. Installée au cœur de la communauté innue de Uashat depuis 40 ans, la psychologue québécoise Danièle Descent a initié de nombreux jeunes à la découverte de leur territoire.

"Ici, il n'y a pas de musée pour raconter le passé des Innus. Si tu veux te retremper dans ta culture, tu es obligé d’aller marcher dans les chemins de portage, sur les routes qu'empruntaient les nomades jusque dans les années 1950", a-t-elle raconté mardi dans l'émission Tout un monde de la RTS. "En marchant, tu éprouves ce qu'ils pouvaient éprouver, tu vois les mêmes endroits... C'est essentiel de savoir comment la vie est arrivée jusqu'à toi", poursuit la psychologue.

Dans la réserve innue de Pakua Shipi. [AFP/Hemis - Philippe Renault]
Dans la réserve innue de Pakua Shipi. [AFP/Hemis - Philippe Renault]

Renouer avec une identité

Mikwe, un jeune de la communauté innue de Uashat, se rend souvent dans le cimetière qui borde le fleuve St-Laurent pour retrouver ses proches. Les dates sur les pierres tombales du petit cimetière témoignent de destins brisés par le suicide ou la drogue. "Là, on a la tombe de mon grand frère, Charles-Édouard Vollant, décédé en 2015. Ça, c’est mon autre frère qui est décédé récemment, overdose je dirais", confie le jeune homme.

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Lui a choisi de panser ses blessures en marchant sur les traces de ses ancêtres nomades. Pêcher, descendre les rivières en canot, porter l'embarcation sur les sentiers entre les lacs et les cours d'eau sur les chemins utilisés pendant tant de siècles constitue une façon de renouer avec une identité dont beaucoup de jeunes ont été privés. En juin, il a participé à un voyage d'une douzaine de personnes de sa communauté. "Sur deux semaines, on a fait 300 kilomètres en marche et en canot. C’était très dur, il y a des fois où j’aurais aimé abandonner, mais je ne pouvais pas. Il fallait que je continue", témoigne-t-il.

"C’est comme ma porte de sortie"

Jo-André Vollant-Fontaine, un autre jeune innu, a fumé son premier joint à 9 ans. Il a rapidement compris qu'il devait agir pour trouver un sens à sa vie. À 25 ans, il guide de petits groupes sur les sentiers empruntés par les Innus. "On dirait que la forêt m’appelle, comme s'il fallait que j’y retourne au plus vite. Je me sens à ma place là-bas. C’est comme ma porte de sortie", explique le jeune homme.

La reine Elizabeth II avait visité un camp innu en 1997, dans le village de Shetshashiu (Québec). [Reuters - Reuters Photographer]
La reine Elizabeth II avait visité un camp innu en 1997, dans le village de Shetshashiu (Québec). [Reuters - Reuters Photographer]

Sujet radio: Pascale Guéricolas
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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A la pointe du combat pour la sauvegarde de l'environnement

Au Québec, la campagne électorale pour élire le nouveau gouvernement début octobre bat son plein. Le parti d’opposition Québec solidaire (gauche) y présente une candidate issue de la région de Sept-îles, Uapukun Mestokosho, une jeune Innue. Elle s’est fait connaître en luttant pour la préservation de la Magpie, un cours d’eau tumultueux que ses ancêtres descendaient en canot.

Uapukun Mestokosho [DR - Québec solidaire]
Uapukun Mestokosho [DR - Québec solidaire]

Un documentaire sur la protection des rivières l’a amenée devant l’ONU en 2019. Pour elle, le combat des Premières Nations passe forcément par la défense de l'environnement.

"Passer du temps dans la nature, près de la rivière, c’est ce qui me guérit, c’est qui me garde en vie", explique-t-elle. "Je ne peux pas envisager un monde où on continue à détruire le territoire, à harnacher les rivières, dans une situation où on est en urgence climatique. Je fais mon bout de chemin, mon bout de travail dans mon coin de pays, mais je le fais aussi pour les autres peuples autochtones qui n'ont pas cette chance. Ailleurs dans le monde, les défenseurs du territoire se font tuer".

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