A Östhammar, une bourgade située à une centaine de kilomètres au nord de Stockholm, la décision de creuser une installation de stockage à 500 mètres sous terre n’effraie pas du tout Karin, une habitante des lieux qui travaille dans l'industrie nucléaire. "Nous devons produire une énergie décarbonée de façon sûre. Ici, nous avons un bon sous-sol. Donc c’est bien que nous prenions notre part dans ce traitement des déchets", a-t-elle déclaré au micro de l'émission Tout un monde de la RTS.
Les élus de la commune sont également derrière ce projet, à l’image de son maire Jacob Spangenberg: "Une très grande majorité est favorable à la construction de ce site. A la mairie, où nous sommes 49, 39 conseillers municipaux étaient pour et huit contre, quelque chose comme ça", explique-t-il en se référant à un vote final ayant eu lieu en octobre 2020.
Cet enthousiasme est d'autant plus étonnant qu'en Suède, les communes accueillant des installations nucléaires ne bénéficient d’aucun avantage financier. "Les taxes (...) sont payées directement au gouvernement. Cette industrie n'apporte aucune aide aux municipalités, mais elle a un impact positif sur le marché de l’emploi. Il y a plus de 20'000 habitants dans la région, dont 5000 dans le bourg, et c’est le plein emploi", se réjouit Jacob Spangenberg.
Les habitants ont déjà la culture du nucléaire
La décision de stocker 12'000 fûts de combustible irradié pendant 100'000 ans n’a pourtant rien d’anodin, mais les habitants d’Östhammar, où est déjà installée la centrale atomique de Forsmark, la plus grande de Suède, ont la culture du nucléaire. Environ 1000 habitants du bourg y travaillent, un point essentiel pour la spécialiste environnement au sein de la municipalité Marie Berggren.
"C’est l’une des explications de cette acceptation: soit vous, personnellement, soit dans votre famille, soit parmi vos amis, il y a toujours quelqu'un qui a travaillé dans le nucléaire et qui connaît ses règles de sécurité. Et puis les quelques problèmes qu'il y a pu avoir ont tous été réglés de façon sûre. Les gens comptent sur le nucléaire", affirme-t-elle.
L’autre facteur, c’est l’information. Chargée par les opérateurs suédois du nucléaire de gérer ses déchets, l'entreprise SKB a depuis 15 ans pignon sur rue au centre même d’Östhammar. Habitants et autres visiteurs peuvent voir et toucher les conteneurs de cuivre où seront scellées les pastilles d’uranium, avant d’être descendues dans des galeries creusées dans le granit, tout près de la centrale de Forsmark.
Plus de 80% d'opinions favorables
Le dépôt, un ensemble de tunnels qui s’étendra sur 60 kilomètres, sera creusé dans du granit. Du cuivre viendra encapsuler le combustible et empêcher la fuite des radiations. Une troisième barrière sera construite autour des conteneurs, avec de la bentonite, une sorte d'argile, qui servira de tampon pour absorber les mouvements à l'intérieur du sous-sol et empêcher le contact avec les eaux souterraines, explique le porte-parole de SKB Martin Hoff, pour qui la transparence dans ce domaine est cruciale.
Et la méthode semble marcher, si l’on en croit les enquêtes annuelles réalisées au sein de la population. Selon Martin Hoff, un sondage réalisé en 2013 a montré que 76% de la population était favorable au dépôt. Ils sont même 82% aujourd'hui. "Nous sommes très fiers de ça", se félicite-t-il.
Le spectre de la corrosion
A Östhammar, les opposants peinent à se faire entendre. Mais tout comme en Suisse, ils existent pourtant bel et bien. Ils pointent l'avis de certains experts qui pensent que ces fameux conteneurs de cuivre, les siècles passant, pourraient céder sous la corrosion. "Notre cour environnementale a posé cinq questions sur ces conteneurs de cuivre auxquelles il n'a pas été répondu. Les sondages sont pour le nucléaire, il n’y a pas eu d’accident majeur à Forsmark, mais cela n’a rien à voir avec un dépôt qui doit être sûr pendant 100'000 ans", met en garde Bertil Amn, opposant historique à l’industrie nucléaire.
Si rien ne vient perturber le calendrier de SKB, le combustible irradié commencera à être stocké à partir des années 2030, pendant septante ans. Vers 2100, ce site d'enfouissement des déchets nucléaires sera alors définitivement scellé.
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Sujets radio: Frédéric Faux et Camille Degott
Adaptation web: Vincent Cherpillod
A Stadel (ZH), la population accueille calmement la nouvelle
"La géologie a parlé", disent les spécialistes. En Suisse, c'est dans la commune de Stadel bei Niederglatt (ZH) que les déchets nucléaires seront enterrés profondément dans le sol. Choisi pour la qualité de son sous-sol, le site, à l'extrémité est de la chaîne du Jura, est situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Zurich et à un peu plus de 2 kilomètres du bord du Rhin, qui marque la frontière avec l'Allemagne.
La NAGRA - la Société coopérative nationale pour l’entreposage des déchets radioactifs - et les autorités politiques ont officiellement présenté lundi le projet à la presse.
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Résignation et pragmatisme
Dans les rues de cette commune de quelques 2300 habitants, l'heure semble à la résignation et au pragmatisme. "Personnellement, je n'ai pas vraiment de problème avec ça. Ces déchets doivent bien être enterrés quelque part. C'est clair, on préférerait que ce soit ailleurs. Mais si c'est ici, c'est comme ça", a réagi une fleuriste du village mardi au micro de la RTS. "Je fais complètement confiance à la décision de la NAGRA et de la Confédération. Moi, je suis vraiment une pragmatique", affirme une passante un peu plus tard. "On parle trop de cette histoire... La région qui est choisie doit l'accepter", poursuit un homme.
Pas plus de remous du côté des plus jeunes: "Ca ne m'intéresse pas vraiment parce que c'est plusieurs centaines de mètres sous terre. Mais ce serait un problème si ça se mélangeait à l'eau ou à l'air", remarque un jeune du village, qui ajoute que le sujet n'est pas discuté à l'école.
"Le mauvais endroit"
Il faut attendre la conférence de presse locale pour rencontrer des gens du coin opposés au projet. Pour eux, la faible mobilisation s'explique notamment par le fait que la réalisation du projet est encore lointaine. "Même moi je ne serai pas là pour le vivre, alors ça n'intéresse pas vraiment les gens", constate Werner Ebnöther, un membre de la Loti, l'association régionale d'opposition au projet. Il est l'ancien président de Weiach, la commune voisine.
Interrogé lundi soir dans l'émission Forum, le géologue Marcos Buser s'est lui montré dubitatif quant au choix du site. Pour lui, "on a omis de faire toute une série de travaux souterrains" qui auraient pu éclaircir le rôle d'un fossé situé sous la région choisie. "Et dans ce fossé, nous savons qu'il y a des bandes de charbon, et on suppose qu'il pourrait y avoir aussi du gaz", poursuit le spécialiste, qui craint que l'exploitation future de ces ressources n'endommage la zone de stockage.