"Bouddhisme la loi du silence": C'est le titre du documentaire choc diffusé mardi sur Arte et d'un livre qui sort mercredi. Les témoignages recueillis par les deux journalistes Elodie Emery et Wandrille Lanos évoquent des humiliations, des sévices psychologiques et physiques, des violences sexuelles et des viols.
Loi du silence
Plus de trente témoins mettent en cause treize lamas dans plusieurs pays. Ils dénoncent un système qui favorise ce genre d'abus en raison des liens particuliers qui unissent maîtres bouddhistes et disciples.
Ainsi, quand un disciple choisit un maître, leurs vœux sont considérés comme sacrés et indéfectibles. S'ils sont rompus, il y aura des conséquences karmiques pour le disciple et ses proches, dit le bouddhisme. Le maître a donc toujours raison et ne doit jamais être remis en cause. Un système qui permet donc à des abuseurs potentiels, forts de leur ascendant spirituel, de profiter de la situation.
Le Dalaï Lama mis en cause
L'enquête met également en cause le Dalaï Lama pour n'avoir jamais pris clairement position contre ces abus alors qu'il en avait connaissance depuis 1993. Un groupe d'enseignants du bouddhisme l'avait en effet informé des agissements problématiques d'un lama. Le plus haut chef spirituel des tibétains ne le répudiera discrètement qu'en 2017, quand le scandale devient vraiment trop grand. Ce lama mourra sans jamais avoir été inquiété par la justice.
Des victimes ont également tenté d'alerter le Dalaï Lama en 2018 à propos de cinq lamas différents sans que jamais ces démarches ne conduisent à une prise de parole publique de sa part.
La Suisse aussi concernée
La Suisse, qui possède la plus importante communauté tibétaine d'Europe, est également concernée par ces accusations. Une plainte a même été déposée en 2018 par une femme pour lésions corporelles simples et actes d'ordre sexuels sur une personne incapable de discernement. Elle visait un lama de la région lausannoise alors très en vue dans la communauté bouddhiste. Les faits se seraient déroulés entre 2007 et 2012 et la procédure est toujours en cours.
Pour René Longet, coresponsable de la section romande de la société d'Amitié Suisse Tibétaine, interviewé mercredi dans La Matinale, les auteurs de ces actes sont tout simplement des "imposteurs" et ne sont pas représentatifs du bouddhisme tibétain. "Cela arrive dans toutes les religions, ce genre d'abus n'est pas intrinsèque au bouddhisme", tient-il à souligner. A noter qu'au moment de l'interview, il n'avait pas encore vu le film, mais uniquement lu l'article du Journal du dimanche sur le sujet.
En Belgique, une instruction est également en cours contre un autre lama suite à plusieurs dépôts de plaintes. Les deux journalistes soupçonnent que le nombre de victimes est bien plus important que les témoignages récoltés.
Ariane Hasler/hkr