"Ce qui m'a le plus touché, ce sont les visites sur le terrain, de pouvoir discuter avec les gens. Mon rôle le plus important est d'être la voix authentique des victimes et de la porter dans les enceintes diplomatiques", rappelle Peter Maurer à l'aube de son départ.
Le futur ex-président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) va quitter l'organisation humanitaire en plein conflit armé en Ukraine. Si le CICR a pu rendre visite à quelques centaines de prisonniers de guerre ukrainiens et russes, le compte est loin d'être bon, regrette-t-il.
"Malheureusement, nous n'avons pas encore réussi à obtenir un accès plus important, alors que des milliers de soldats ont été faits prisonniers. Nous sommes impuissants parce que les parties au conflit ont parfois tendance à penser l'humanitaire comme transactionnel et non pas comme une norme à réaliser et à suivre", indique Peter Maurer.
Voir aussi les efforts
D'une manière générale, le Bernois assure toutefois que les Etats ont fait des progrès en matière de droit international humanitaire. "Les dirigeants sont souvent confrontés à des hiérarchies militaires et sécuritaires pour mettre en oeuvre cette aide. Notre action est justement ciblée sur ces difficultés. Il faut aussi voir tous les efforts qui sont faits pour respecter les populations civiles. L'image est davantage grise que noir et blanc."
Au cours de sa carrière, Peter Maurer n'a pas hésité à se rendre au plus près de la guerre pour défendre les intérêts du CICR. Il s'est notamment rendu en Ukraine au mois de mars dernier pour demander un accès humanitaire accru.
"Je n'ai jamais vraiment eu peur. L'institution a des procédures de sécurité auxquelles je fais confiance. Quand on est une organisation de ligne de front comme le CICR, il faut montrer, du président au dernier délégué, qu'on est prêt à prendre des risques. C'est aussi un élément d'espoir pour les victimes", relève le Suisse.
"Un acteur crédible"
De Vladimir Poutine à Angela Merkel, Peter Maurer a côtoyé les plus grands chefs d'Etat. "J'ai toujours eu envie de pouvoir transmettre à ces dirigeants une réalité qu'ils ne connaissent souvent pas. Ils ne sont pas toujours conscients des dimensions humanitaires. J'ai beaucoup apprécié ces situations dans lesquelles je pouvais être un avocat du vrai."
Selon lui, le CICR a gardé toute son aura. "Je n'ai pas l'impression, par la qualité des discussions que nous avons avec l'Ukraine, la Russie et beaucoup d'autres belligérants, que la neutralité et l'impartialité de notre organisation sont remises en question. Les canaux pour dialoguer sont toujours ouverts, nous sommes un acteur crédible."
Au 1er octobre, Mirjana Spoljaric Egger remplacera Peter Maurer à la tête du CICR. La diplomate suisse sera la première femme à assurer cette fonction. De son côté, le Bernois reprendra la présidence du Basel Institute on Governance. Il a également été élu au conseil d'administration de la Zurich Assurance.
Propos recueillis par David Berger/gma