Un bloc inédit réunissant la droite et l'extrême droite a remporté mercredi de justesse les élections législatives en Suède, chassant du pouvoir la gauche aux commandes depuis huit ans dans ce pays scandinave réputé pour son Etat social.
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En Italie, une coalition dite de centre droit -en réalité plus proche de l'extrême droite- devrait remporter les élections du 25 septembre. A sa tête, le parti Fratelli d'Italia, littéralement "Frères d'Italie",
n'est autre qu'un parti post-fasciste. En France, le Rassemblement national de Marine Le Pen a quant à lui placé 89 députés à l'Assemblée nationale en juin.
De l'Allemagne au Portugal
Ailleurs en Europe, les exemples où des partis de droite nationalistes et identitaires s'imposent dans le paysage politique se multiplient depuis 2017, même dans les endroits a priori les plus réfractaires à ces idées pour des raisons historiques. En Allemagne, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) compte actuellement 81 députés au Bundestag et 233 députés régionaux.
En Suède, le cordon sanitaire face à l'extrême droite semble se fissurer avec le temps
En Espagne, Vox, créé en 2013, est parvenu à entrer dans trois gouvernements régionaux de droite, dont l'Andalousie, en 2019. La même année, le parti a remporté 15% des suffrages aux législatives anticipées, se classant même troisième force politique de l'Assemblée, avec 52 députés, une première depuis la chute de la dictature franquiste en 1975.
Idem au Portugal, où le succès des socialistes en début d'année n'a pas empêché l'émergence du parti d'extrême droite Chega, littéralement "Assez". Avec plus de 7% des voix, ce parti a percé, passant d'un à 12 élus au Parlement. Un rempart serait-il donc en train de tomber en Europe?
"Stratégie de normalisation"
Car si une partie de la droite traditionnelle suédoise espère garder une certaine distance avec l'extrême droite et éviter qu'elle entre au gouvernement, elle n'aura d'autres choix que composer avec elle au Parlement. Autrement dit, la tradition d'exclusion systémique de tels partis se fissure peu à peu pour des raisons qui ne sont pas seulement pragmatiques.
"Au-delà des enjeux internes, cela s'explique par une stratégie de normalisation [des Démocrates de Suède] qui ne sont plus aussi ouvertement racistes et xénophobes que dans les années 1990", explique Benjamin Biard, spécialiste des droites identitaires et nationalistes au Centre de recherche et d'information socio-politique (Crisp), dans l'émission Tout un monde de la RTS.
Pour ce politologue, la comparaison entre pays européens se justifie. "On fait face à un phénomène d'ampleur avec des partis politiques qui partagent des caractéristiques idéologiques communes, en matière migratoire et sécuritaire notamment, mais également un style de communication dit populiste", estime-t-il. Cette rhétorique oppose généralement un peuple considéré comme homogène à des élites politiques, économiques, culturelles ou médiatiques.
Les crises, terreau fertile
Certains facteurs permettent également d'expliquer la progression de ces partis de droite nationalistes et identitaires. Les crises économiques fournissent un terreau fertile à ces formations qui assurent défendre le peuple. C'est par exemple en faisant
campagne sur le pouvoir d'achat que Marine Le Pen a réalisé le score le plus élevé de l'extrême droite au second tour de la présidentielle française à 41,45% des voix.
Cependant, "on voit bien dans le cas de la Suède que [l'argument économique] n'est pas le facteur qui prédomine. Il y a un facteur encore plus important qui caractérise cette pensée à travers l'Europe, c'est la crise de la démocratie représentative", relève Benjamin Biard. "Les citoyennes et citoyens perdent de plus en plus la confiance en leurs représentants politiques et, plus important encore, dans le fonctionnement même de la démocratie", précise le chercheur du Crisp.
Ce sont ces déçus de la démocratie qui rejoignent ensuite ces partis d'extrême droite, et ce d'autant plus que ces derniers vont de plus en plus sur les terres du conservatisme que la droite traditionnelle a tendance à délaisser au profit d'idéologies plus progressistes. Aujourd'hui, l'extrême droite n'a donc plus peur de rivaliser avec la droite, quitte même à prendre sa place.
Juliette Galeazzi