Le président Vladimir Poutine a annoncé mercredi la mobilisation de centaines de milliers de Russes pour combattre en Ukraine, prévenant l'Occident que Moscou utiliserait "tous les moyens" pour se défendre.
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"Ce n'est pas du bluff", a martelé, la mine grave, Vladimir Poutine, accusant les pays occidentaux de vouloir "détruire" la Russie, d'avoir recours au "chantage nucléaire" contre elle et signifiant ainsi qu'il était prêt à utiliser l'arme nucléaire.
"Une mobilisation partielle"
"J'estime nécessaire de soutenir la proposition (du ministère de la Défense) de mobilisation partielle des citoyens en réserve, ceux qui ont déjà servi (...) et qui ont une expérience pertinente", a déclaré le chef du Kremlin dans une allocution télévisée enregistrée.
"Le décret sur la mobilisation partielle est signé" et entrera en vigueur "aujourd'hui" mercredi, a ajouté le président russe. "Nous ne parlons que de mobilisation partielle", a-t-il affirmé, alors que des rumeurs sur une mobilisation générale couraient ces dernières heures.
Ces renforts seront déployés pour "consolider" et "contrôler" les lignes arrières, le long d'"une ligne de front qui fait plus de 1000 kilomètres" dans le sud et l'est de l'Ukraine.
Cette décision intervient alors que les forces ukrainiennes ont mené une série de contre-offensive en septembre, forçant en particulier l'armée russe à la retraite dans la région de Kharkiv (nord-est de l'Ukraine).
"Pour protéger la Russie"
Face à "la menace" représentée selon Vladimir Poutine par "le régime nazi de Kiev" et "la machine de guerre de l'Occident", "nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple", a averti le président russe mercredi, faisant clairement allusion aux armes nucléaires.
La menace résonne d'autant plus fort que des référendums d'annexion par la Russie sont prévus dans quatre régions ukrainiennes à partir de vendredi. Or la doctrine militaire russe prévoit la possibilité de recourir à des frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou sont attaqués.
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"Le but de l'Ouest est d'affaiblir, de diviser et de détruire la Russie", a lancé le président russe. Selon lui, l'Occident souhaite "supprimer les centres de développement souverains et indépendants" dans le monde pour se renforcer. "Les objectifs de l'opération militaire ont été et restent inchangés", a enfin dit Vladimir Poutine.
La Russie a lancé son offensive en Ukraine en affirmant vouloir y défendre les populations russophones opprimées par un pouvoir "nazi" et pour démilitariser le pays.
afp/lan
Les réactions internationales
De Londres à Berlin, en passant par Washington, des capitales occidentales ont vu dans la mobilisation un "aveu d'échec" et un "signe de faiblesse". Cette mesure montre le "désarroi" de Vladimir Poutine, a estimé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a qualifié cette mobilisation, ainsi que l'annonce de référendums dans des territoires de l'est de l'Ukraine, "d'acte de désespoir".
Même la Chine, dont Moscou cherche à se rapprocher, a appelé au "cessez-le-feu" et au respect "de l'intégrité territoriale de tous les pays", au lendemain de l'annonce des "référendums" d'annexion par Moscou.
Selon Cyrille Bret, la menace nucléaire doit être prise "très au sérieux"
Cyrille Bret, chercheur à l’académie Notre Europe, au sein de l'Institut Jacques Delors, enseignant à Sciences Po Paris, spécialiste de stratégie géopolitique et de défense, commente dans l'émission Forum de la RTS les actions récentes de Vladimir Poutine, notamment la menace implicite d'avoir recours à l'arme nucléaire et la mobilisation partielle en Russie.
Pour le spécialiste, la menace nucléaire doit être prise "très au sérieux". L'usage de l'arme nucléaire répond à "une logique de longue gradation" et, selon lui, "un saut quantitatif" aurait été franchi, à la fois dans la rhétorique nucléaire et à la fois dans le rapport au territoire ukrainien.
Selon Cyrillle Bret, "l'usage de l'arme nucléaire obéit à une logique très stricte: quand on n'arrive pas à emporter la victoire ou quand les intérêts vitaux sont menacés, c'est là qu'on recourt à cette arme".
L'expert nuance cependant l'image d'une guerre nucléaire totale en expliquant s'attendre, en cas d'escalade, à voir Vladimir Poutine utiliser l'arme nucléaire de manière "circonscrite", d'un point de vue "matériel et géographique", un usage dit "tactique" sur une infrastructure symbolique ou sur un corps d'armée sur un champ de bataille en Ukraine.