Dans une adresse à la nation, le président russe Vladimir Poutine a décrété une mobilisation "partielle" de 300'000 réservistes, soit beaucoup plus que les 190'000 soldats déployés pour l'invasion de l'Ukraine en février, après une série de revers militaires dans le Donbass et la région de Kharkiv, dans l'est du pays.
Pour des experts occidentaux, l'armée russe aura du mal à mobiliser autant de monde et les nouvelles recrues arriveront sous-entraînées et peu motivées sur le champ de bataille. "Ils ne pourront pas faire cela bien", a jugé Dara Massicot, une experte de la Russie au centre de recherche Rand Corporation.
"Ils vont regrouper des gens et les envoyer au front avec une formation dépassée, un encadrement incompétent et des équipements en pire état encore que ceux des forces en service actif", a-t-elle ajouté sur Twitter. "Ils vont les envoyer petit à petit, parce qu'ils ne peuvent pas prendre leur temps".
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Instruction incomplète
Certains observateurs relèvent que des réservistes pourront être envoyés rapidement pour compléter des unités partiellement détruites et effectuer des tâches simples comme conduire des camions ou faire des patrouilles de surveillance. En revanche, former un soldat – et s'assurer de sa motivation – pour monter à l'assaut est bien plus complexe.
Jean-Marc Rickli, le directeur des risques globaux et émergents au Centre de politique de sécurité, basé à Genève, estime ainsi dans le 19h30 de la RTS qu'il "sera difficile d'amener ces troupes sur le champ de bataille directement", car il faut "des semaines voire des mois pour entraîner et équiper ces forces". Sur le champ de bataille, les résultats des troupes recrutées récemment sont "assez mauvais", pointe par ailleurs l'expert. "On peut émettre des doutes par rapport aux capacités de la Russie d'utiliser ces forces à bon escient dans un futur proche", ajoute-t-il.
Autre paramètre important: l'équipement. "Il n'y a pas beaucoup d'uniformes d'hiver, d'équipements médicaux et de rations", énumère James Rand, analyste pour l'agence britannique privée de renseignement militaire Janes. Et l'encadrement semble approximatif: "comment vont-ils mobiliser officiers et sous-officiers pour cette force?" s'interroge-t-il, citant aussi quelques fonctions majeures indispensables comme les agents de reconnaissance ou les artilleurs.
Prolongation du conflit
Il ne faut toutefois pas sous-estimer le risque que l'arrivée de troupes russes fraîches sur la ligne de front prolonge un conflit déjà très meurtrier. "Cela pourrait prolonger la capacité de la Russie à poursuivre cette guerre, sans toutefois en changer la trajectoire ni l'issue", a déclaré mercredi Michael Kofman, du centre de réflexion Center for a New American Security. Il estime en outre que l'Ukraine garde son avantage sur le terrain.
Un avis partagé par Rob Lee, du Foreign Policy Research Institute, pour qui "il y a encore toutes les raisons d'être optimiste pour l'Ukraine". Son armée a fait preuve de discipline et de bravoure depuis le début de la guerre, contrairement aux forces russes, démoralisées et indisciplinées, a-t-il ajouté.
"Un nouveau désastre"
"Le problème, c'est que l'armée russe est mal dirigée et mal entraînée", a jugé de son côté l'ex-général Mark Hertling, ancien commandant des forces terrestres des Etats-Unis en Europe. "Mobiliser 300'000 réservistes après avoir échoué avec des forces conventionnelles épuisées et des milices hétéroclites, après avoir recruté des prisonniers et utilisé des paramilitaires comme le groupe Wagner, ce sera très difficile."
"Et déployer des 'petits nouveaux' sur une ligne de front qui a été mise en pièces, où le moral est au plus bas et dont les soldats ne veulent pas être là, laisse présager un nouveau désastre", a-t-il tweeté. Sa conclusion: il s'agit d'un "nouveau signe de faiblesse de la Russie".
agences/ami