Vêtue d'un kimono noir et accueillie par le Premier ministre en exercice Fumio Kishida vers 14h00 locales (07h00 suisses), Akie Abe a apporté l'urne au Nippon Budokan, le lieu des funérailles, devant plusieurs milliers d'invités de marque japonais et étrangers.
Des milliers de Japonais ordinaires et de tous âges ont afflué tôt mardi matin aux abords du Nippon Budokan, haut lieu de compétitions d'arts martiaux, de concerts et de cérémonies officielles en plein coeur de la capitale où les funérailles nationales étaient organisées.
Calmement, les uns après les autres, ils ont déposé des gerbes de fleurs et se sont brièvement recueillis devant un portrait d'Abe installé sous une tente dressée pour l'occasion près du Budokan.
Controverses et manifestations
Cet événement est loin d'être un moment d'union sacrée dans le pays, ayant suscité d'intenses controverses et des manifestations.
Abe a battu le record de longévité d'un Premier ministre en exercice au Japon: plus de huit ans et demi en 2006-2007 et 2012-2020. Il était la figure politique japonaise la plus connue aussi bien dans son pays qu'à l'étranger, avec son activité diplomatique intense et sa politique de relance budgétaire et monétaire massive surnommée "Abenomics".
Son assassinat par balles en plein meeting électoral le 8 juillet dernier à 67 ans a choqué le Japon et le monde entier.
>> Lire aussi : L'ex-Premier ministre japonais Shinzo Abe a été assassiné en plein meeting
Mais Abe était aussi honni par beaucoup pour ses vues ultralibérales et nationalistes, sa volonté de réviser la Constitution pacifiste japonaise et ses liens avec de nombreux scandales politico-financiers.
Loin de faire de lui un martyr, son assassinat le 8 juillet dernier en plein meeting électoral à Nara (Ouest du Japon) a encore davantage terni son image auprès de ses détracteurs. Le mobile de son assassin présumé - les liens supposés d'Abe avec l'Eglise de l'Unification, surnommée "secte Moon", accusée d'exercer de fortes pressions financières sur ses membres - a encore un peu plus terni l'image de l'ancien Premier ministre aux yeux de ses détracteurs.
>> Lire aussi : Au Japon, l'assassinat de Shinzo Abe révèle les liens politiques avec une secte
Depuis sa mort, les révélations ne cessent de pleuvoir sur l'ampleur des liens entre cette Eglise et des parlementaires nippons, surtout du Parti libéral-démocrate (PLD, droite au pouvoir), autrefois dirigé par Abe et aujourd'hui par l'actuel Premier ministre, dont la cote de popularité a fondu depuis cet été.
60% des Japonais sont contre
La décision rapide et unilatérale de Fumio Kishida d'organiser des funérailles nationales a indigné l'opposition qui estime que cela aurait dû être débattu et approuvé au Parlement. Plusieurs partis d'opposition ont boycotté la cérémonie.
Des hommages de ce type pour des responsables politiques sont rarissimes au Japon depuis l'après-guerre, le seul précédent remontant à 1967.
Le coût estimé de la cérémonie - l'équivalent de 12 millions d'euros - a aussi irrité. Après les défaillances de la protection rapprochée d'Abe, le gouvernement n'a pas lésiné sur la sécurité: 20'000 policiers étaient déployés pour l'occasion selon les médias locaux.
Des manifestations pacifiques contre l'événement ont parfois réuni plusieurs milliers de personnes ces dernières semaines et un nouveau rassemblement avait lieu mardi devant le Parlement.
Un homme a aussi tenté de s'immoler par le feu près des bureaux du Premier ministre la semaine dernière pour protester contre l'hommage national, selon les médias locaux.
Selon les derniers sondages, environ 60% des Japonais sont opposés à ces funérailles nationales. Quelques milliers de personnes ont manifesté devant le Parlement japonais pendant que les funérailles nationales se tenaient quelques kilomètres plus loin.
ats/ebz
Près de 4300 invités
Quelque 4300 personnes dont 700 dignitaires étrangers étaient présents à cette cérémonie non confessionnelle d'une heure et demie.
Après l'hymne national et une minute de silence, plusieurs éloges funèbres doivent être prononcés, notamment par Fumio Kishida et Yoshihide Suga, ancien bras droit d'Abe qui lui avait succédé comme Premier ministre (2020-2021).
L'empereur du Japon Naruhito et son épouse Masako n'étaient pas présents, du fait de leur statut de symboles nationaux politiquement neutres, mais d'autres membres de la maison impériale y assistaient.
Parmi les hôtes étrangers figurent la vice-présidente américaine Kamala Harris, le Premier ministre indien Narendra Modi et son homologue australien Anthony Albanese ou encore le président du Conseil européen Charles Michel. La France était représentée par son ancien président Nicolas Sarkozy.
La Chine, avec laquelle le Japon entretient des relations fraîches, a envoyé un représentant mais pas de membre de son exécutif.