Le rattachement de ces territoires ukrainiens à la Russie pourrait être proclamé dès la fin de la semaine. Bien que les gouvernements occidentaux reprochent à ces votations de n'être qu'un faux-semblant, Moscou tient à respecter les apparences d'un processus légitime.
Si le "oui" l'emporte - ce qui ne fait aucun doute -, le Parlement russe votera un traité formalisant l'intégration des quatre régions au territoire russe. Les agences de presse russes TASS et Ria Novosti, citant des sources parlementaires, ont rapporté pendant le week-end qu'un projet de loi en ce sens pourrait être soumis à la Douma, la Chambre basse de l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, mardi soir, avant une adoption le lendemain lors d'une session extraordinaire.
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Procédure illégitime
Antoine Chollet, politologue et spécialiste de la démocratie et maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, explique dans l'émission Tout un Monde que ces référendums sont illégitimes. "Premièrement, une période de guerre comme c'est le cas en Ukraine n'est jamais une bonne condition pour organiser un scrutin. Deuxièmement, la précipitation dans laquelle ces référendums sont organisés témoigne de l'organisation approximative de cette votation", déclare-t-il.
Finalement, l'issue de cette votation est connue d'avance. Ce n'est donc pas un référendum où l'on demande au corps civique de choisir entre deux voies possibles, précise Antoine Chollet, mais une votation à sens unique - la finalité étant l'annexion de ces régions.
Plébiscite ou manoeuvre politique?
Il s'agit plus d'un plébiscite - c'est-à-dire d'une décision déterminée par le pouvoir politique en place - que d'une votation démocratique. "L'histoire des plébiscites n'a rien avoir avec celle de la démocratie directe. Ils ont été utilisés à de nombreuses reprises par Napoléon III, ou durant le nazisme en Allemagne", raconte le professeur.
Néanmoins, à la différence d'un plébiscite classique, pour lequel la date est annoncée, des bulletins sont imprimés et une campagne politique l'accompagne, la Russie tente "une manoeuvre politique désespérée", affirme Antoine Chollet, pour avancer sur le terrain militaire.
Le premier [problème] est celui du référendum en tant que tel, qui doit avoir des critères institutionnels connus de toutes et tous.
Déroulement référendaire démocratique impossible
"Dans ce type de situation, on est face à un double problème. Le premier est celui du référendum en tant que tel, qui doit avoir des critères institutionnels connus de toutes et tous", explique le politologue. Généralement, les référendums dits "démocratiques" sont ceux qui sont appelés par les citoyens et non pas par le pouvoir, comme en Suisse par exemple, ajoute-t-il. Cela permet d'éviter les usages plébiscitaires des référendums.
Un référendum est également dépendant des questions de calendrier, c'est-à-dire du temps à disposition pour réaliser une campagne référendaire. Il est aussi nécessaire de prendre en compte les conditions pour la mener correctement. "On se souvient qu'au début de la pandémie de Covid-19, les référendums ont été suspendus en Suisse, car on ne pouvait pas mener à bien les campagnes politiques", rappelle le professeur.
"Le deuxième problème, ce sont les référendums de modification de frontière, où des territoires veulent en rejoindre d'autres, ou s'en séparer." Dans ce genre de situation, la détermination du corps civique est censée faire foi dans la décision finale, explique Antoine Chollet. "Ça ne peut pas être traité ainsi durant une situation de guerre. Par exemple, cela demanderait plusieurs votes, en fonction des régions séparatistes, en plus des votes du pays dont le principal concerné se sépare, ou de celui qu'il rejoint."
Propos recueillis par Mathias Délétroz
Adaptation web par Raphaël Dubois/ats