C'est une vieille dame au pas très lent, tellement frêle, qui erre au milieu des arbres et reste immobile devant les tombes anonymes. Maria vient ici tous les jours en espérant ramener le corps de sa soeur.
"Une bombe est tombée sur [sa] maison. Sa maison a brûlé et elle aussi. Où est-elle? Je n'en sais rien. Qu'est-ce qu'il reste de ma soeur? Je suis venue voir les médecins légistes, mais il n'y a plus personne", déplore cette femme rencontrée par la RTS dans une zone boisée, non loin d'Izioum.
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Située dans l'est de l'Ukraine, cette ville de 46'000 habitants (avant la guerre) a été sous occupation russe pendant plusieurs mois avant d'être reprise par les forces ukrainiennes.
447 corps exhumés
Mi-septembre, quelques jours après le départ des troupes de Moscou, plusieurs centaines de tombes surmontées d'une croix et une fosse commune ont été découvertes dans la forêt environnante.
Les autorités ukrainiennes ont fini la semaine dernière d'y exhumer 447 corps, précisant sur Facebook qu'il s'agit de 425 civils, dont 5 enfants, et 22 militaires ukrainiens.
Le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleg Sinegoubov, a lui indiqué sur Telegram que "la plupart présentent des signes de mort violente et 30 présentent des signes de torture". "Il y a des corps avec une corde autour du cou, avec les mains liées, avec des membres cassés ou des blessures par balle. Plusieurs hommes ont leur organes génitaux amputés", précise-t-il, évoquant "la preuve des terribles tortures" subies par la population.
Cellules infâmes
Six chambres de torture ont en effet été découvertes dans la ville après le départ de l'armée russe, dont une que la RTS a pu voir dans un ancien poste de police.
Des soldats russes y auraient détenu et interrogé les Ukrainiens en âge de se battre, les retenant dans des cellules infâmes au sous-sol. Les gamelles et les seaux qui servaient de latrines n'ont pas été retirés. Un papier sur la porte indique aussi le nombre de prisonniers par cachot. En russe.
Nous sommes des gens éduqués, nous sommes devenus des clochards dans ces vieux vêtements
Non loin de là, une passante raconte avoir vu des gens être amenés ici. "Le 4 mai, mon neveu est arrivé à la maison avec le visage tuméfié et plusieurs fractures. Il a été torturé pour donner des informations sur d'autres hommes armés, mais tous les policiers et les militaires avaient déjà quitté la ville", témoigne-t-elle.
Ni eau, ni gaz, ni électricité
Dans les rues transformées en champ de ruines, la population survit sans eau ni gaz ni électricité, grâce à un peu d'aide humanitaire et à quelques étals qui proposent des produits de base.
Les infrastructures sont détruites et si les soldats ukrainiens de la brigade territoriale contrôlent la ville, la peur persiste. Au loin, le bruit du front rappelle que la guerre n'est pas encore terminée.
Reportage TV: Annabelle Durand, Alexandre Nedbaev et François Michel Schweizer, envoyés spéciaux à Izioum (Ukraine)
Adaptation web: jgal
D'autres fosses communes évoquées par Kiev
L'Ukraine a dit lundi enquêter sur une fosse commune présumée située dans le nord-est, proche de la frontière avec la Russie. Le site est un élevage industriel de volailles près de Kozatcha Lopan.
Pendant l'occupation russe de la région ces derniers mois, l'armée russe l'utilisait comme hangar pour y cacher ses chars. Les autorités ukrainiennes ont évoqué lundi "jusqu'à 100 corps", sans toutefois donner plus de précisions.
Dimanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait indiqué dans un entretien à la chaîne américaine CBS News qu'avaient été découvertes "deux fosses communes de plus, des grosses fosses communes avec des centaines de personnes" enterrées, sans préciser le lieu de ces découvertes. (ats)