Pour les tribus indiennes, la conquête de l'Ouest du 19 siècle est souvent synonyme de violences, de spoliation des terres et de massacre. Des événements qui ont laissé une forte empreinte jusqu'à aujourd'hui dans l'imaginaire collectif. Mais pour l'écrivain David Treuer, qui a grandi dans la réserve indienne de Leech Lake, dans le Minnesota, l'histoire amérindienne ne doit pas être cantonnée à ce passé tragique.
En 1890, entre 150 et 300 Amérindiens de la tribu des Lakotas sont massacrés par l'armée américaine à Wounded Knee. "La plupart des gens pensent que la vie des Amérindiens a pris fin lors de ce massacre, ce qui est profondément faux", a-t-il expliqué lundi dans Tout un monde. "Nous sommes beaucoup plus nombreux que ce que la culture populaire, l'histoire et le discours public ne le suggèrent."
Sortie de la clandestinité en 1970
Le romancier veut également briser l'image des réserves indiennes, où les conditions de vie seraient mauvaises. Un cliché très réducteur selon lui et qui ne reflète pas la réalité. "J'ai grandi dans la réserve du lac Leech. C'est de là que vient ma famille, ma tribu (…) Nous aimons profondément nos réserves indiennes (…) Ce sont des endroits intéressants, compliqués, puissants, vibrants."
Dans son livre, David Treuer raconte également la période des années 1970 où un mouvement des Indiens d'Amérique a essayé de provoquer un changement social. "Ils ont mis en scène une action très publique, dans une sorte de théâtre militant, en prenant le contrôle des commerces de Wounded Knee, en prenant le contrôle d'une base de missiles près de Chicago et en occupant le Bureau des affaires indiennes à Washington", rappelle l'écrivain.
Aucune de ces actions n'a toutefois eu des répercussions politiques. "Elles ont eu pour effet de montrer à tout le monde des hommes fiers d'être Indiens, et sans complexe. C'était vraiment puissant. D'une certaine manière, nous sommes enfin sortis de la clandestinité."
Absence de leader unique
Franchir cette étape a également permis à la communauté de retrouver certains droits fondamentaux, comme celui de pratiquer ouvertement et sans crainte sa religion ancestrale. Car, jusqu'en 1976, il était illégal de pratiquer sa religion d'origine aux États-Unis. "Pendant de nombreuses années, vous étiez poursuivi en justice, vous étiez privé de vos droits, de nourriture et d'argent si vous pratiquiez votre religion traditionnelle."
Les Amérindiens ont la particularité de ne pas posséder de leader unique comparable à Martin Luther King pour la communauté afro-américaine par exemple. Une absence qui s'explique par la très grande diversité des tribus amérindiennes, mais aussi par la primauté donnée au collectif, explique l'écrivain. "Dans les nations amérindiennes, la primauté est au collectif. L'individu n'est pas l'unité la plus significative, du moins pas pour nous."
En terme démographique, l'année 1917 marque un tournant pour la communauté amérindienne. C'est la première année où les naissances ont dépassé les décès en près de 500 ans. Pour David Treuer, cela s'explique en partie par le fait que les gens se sentent davantage "en sécurité" pour revendiquer le fait qu'ils sont bien Amérindiens.
Une représentation politique
En politique, les Américains sont représentés par quelques figures emblématiques. A commencer par la Ministre de l'intérieur, la démocrate Deb Haaland. C'est la première Amérindienne à occuper un tel poste au niveau fédéral.
De son côté Sharid Davids, originaire du Kansas, a été élue à la Chambre des représentants à Washington. Une bonne nouvelle pour les Amérindiens mais pas seulement, estime David Treuer. "De plus en plus de Blancs du Kansas se trouvent actuellement dans la position dans laquelle les Amérindiens ont vécu pendant des siècles. Alors qui de mieux pour les représenter que quelqu'un dont le peuple a vécu cela depuis si longtemps?"
Propos recueillis par Patrick Chaboudez
Texte: Hélène Krähenbühl