Utiliser l'arme atomique ferait perdre ses "soutiens" à la Russie, estime l'expert Lionel Fatton
Professeur adjoint à l'Université Webster de Genève, Lionel Fatton rappelle qu'une frappe nucléaire "est un scénario possible, on ne peut pas l'écarter, et ce serait inconscient de le faire".
Mais selon lui, les probabilités sont minces. "On n'est pas ici dans un contexte de dissuasion nucléaire, avec des lignes rouges tracées clairement. Dans les deux discours de Vladimir Poutine, les lignes rouges sont tracées de manière extrêmement floue."
Lionel Fatton estime que cette menace a surtout pour objectif de déstabiliser Kiev. "On est plus dans une tentative du Kremlin de freiner l'avancée ukrainienne en créant le trouble dans les processus de décision en Ukraine", analyse-t-il.
Désolidarisation de la Chine et de l'Inde
Si Vladimir Poutine franchissait tout de même le pas, l'expert en relations internationales considère qu'il serait très peu probable que les Occidentaux répondent par la force nucléaire. Selon lui, ils essaieront au contraire de rallier à leur cause les nouveaux ennemis que se serait faits la Russie.
"Si la Russie était amenée à utiliser l'arme nucléaire, on verrait une désolidarisation de pays qui la soutenaient - sur certains points - jusqu'à présent, comme la Chine et l'Inde. Et les Européens et les Américains seront en porte-à-faux derrière et soutiendront cela."
Comme la Chine et l'Inde sont des puissances nucléaires, cela les mettrait dans une situation où elles auraient de la peine à justifier leur soutien à la Russie, explique Lionel Fatton. "Ce serait extrêmement compliqué, parce que ça casserait un tabou sur la non-utilisation du nucléaire. Ce serait alors très difficile pour New Dehli et Pékin de continuer à supporter la Russie."
Prudence et inquiétude
Fin septembre, l'Inde - dépendante de la Russie en matière d'importation d'armes et au bénéfice d'apports de pétrole et de blé russes à moindre prix - a fait part de sa "profonde inquiétude" quant à la trajectoire prise par le conflit ukrainien, et le soutien à Moscou divise au sein de la diplomatie indienne.
Entre la Chine et la Russie - dont les échanges commerciaux ont fortement progressé depuis le mois de janvier, notamment dans le domaine de l’énergie - le soutien de Pékin reste également empreint d'une grande prudence: Pékin n'a jamais envoyé d'aide financière ou militaire à Moscou. Le président russe Vladimir Poutine a également admis à la mi-septembre que Pékin avait manifesté "des préoccupations" sur la guerre en Ukraine.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Antoine Schaub