Avant les "midterms" américains, les démocrates capitalisent sur le droit à l'avortement
L'ambiance se crispe aux Etats-Unis à un mois d'un scrutin essentiel, puisqu'il déterminera la majorité au Congrès et la marge de manoeuvre de Joe Biden pour les deux dernières années de son mandat. Alors que les élections de mi-mandat – aussi appelées "midterms" – sont souvent un vote sanction pour le président en exercice, les démocrates espèrent conserver la majorité, au moins au Sénat.
Si l'écart reste serré avec les républicains au niveau national, à respectivement 44,3% contre 45,4% selon le site FiveThirtyEight, la remontée du Parti démocrate n'en est pas moins spectaculaire et doit beaucoup à la suppression du droit constitutionnel d'avorter par la Cour suprême.
Prononcée le 24 juin, la décision a suscité une indignation telle que certaines franges des électorats féminin et jeune, pro-droit à l'avortement, vont certainement se mobiliser pour ces législatives.
Bataille pour la Pennsylvanie
La Pennsylvanie, l'un des Etats où se jouera la majorité au Sénat, reflète à elle seule la situation au niveau national. D'un côté, pull à capuche et tatouages, le candidat démocrate John Fetterman promet de s'engager pour le droit à l'avortement, assumant un populisme de gauche pour réveiller la base et se gardant bien de toute référence à Joe Biden, par crainte de pâtir de son impopularité.
En face, les républicains ont placé le Dr Mehmet Oz, une star du petit écran soutenue par Donald Trump et que les démocrates traitent de "menteur", lui reprochant d'habiter un autre Etat, le New Jersey. Mais en faisant campagne sur le coût de la vie, les conservateurs font tout de même mouche en Pennsylvanie, où la classe ouvrière blanche leur est largement acquise.
L'avortement est sur votre bulletin de vote, ici et maintenant, en Pennsylvanie
Ce n'est donc pas par hasard si c'est ici que Joe Biden, 79 ans, a tenté de transformer les législatives en référendum sur Trump. A Philadelphie, le 2 septembre, il a ainsi clamé: "Donald Trump et les républicains MAGA [pour 'Make America Great Again', le slogan emblématique du précédent président américain] représentent un extrémisme qui menace les fondations mêmes de notre république".
Donald Trump n'a pas manqué de contre-attaquer dans les jour suivants, accusant Joe Biden d''être un "ennemi de l'Etat", lors d'une apparition à un meeting dans ce même Etat où il était venu soutenir ses candidats.
Depuis, Joe Biden semble s'être mis en retrait de la campagne, laissant à ses candidats sur le terrain le soin de galvaniser l'électorat démocrate, conscient peut-être que "les électeurs indécis se décident en fonction de sujets concrets comme l'économie", ainsi que le rappelait Samuel Goldman, professeur de science politique à la Geoge Washington University, à l'Agence France-Presse.
Républicains fragilisés
Si rien n'est joué, les républicains ayant beau jeu de faire campagne sur l'économie alors que les Etats-Unis subissent une forte inflation (+8,3% sur un an en septembre), la campagne expose à ce stade surtout les divisions internes d'un parti phagocyté par Donald Trump.
"La ligne MAGA a pris le pouvoir dans le parti, devenant plus dangereuse et virulente en deux ans. Pour gagner, elle aurait besoin d'une démobilisation au sein de la majorité anti-MAGA de ce pays. Or, le contraire se produit, en raison de plusieurs facteurs, à commencer par l'avortement, qui rappellent à de nombreux électeurs pourquoi ils n'ont pas voté précédemment pour les républicains", analyse Simon Rosenberg, ancien cadre du Parti démocrate dans Le Monde. Pour ce spécialiste de l'opinion publique, le choix des républicains était "risqué", la ligne choisie ayant été rejetée à deux reprises, lors de la présidentielle de 2020 et des "midterms" de 2018.
A un mois des élections, plusieurs membres du Parti républicain semblent prendre la mesure de la situation. Et sur la question de l'avortement, un changement de cap est perceptible. En Caroline du Sud, un projet de loi qui aurait interdit aux femmes d'avorter à quelques rares exceptions près a échoué après que plusieurs élus républicains se sont ralliés au camp démocrate.
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Dans l'Etat très disputé de l'Arizona, le candidat au Sénat Blake Masters, qui comparait jusqu'à peu l'avortement à un "génocide", a lui aussi temporisé. Il n'évoque aujourd'hui plus que des interdictions pour les "avortements très tardifs", une position qu'il assure partager avec la plupart des Américains. Reste à savoir si cela suffira à changer la donne.
Juliette Galeazzi
Reportage TV: Gaspard Kühn (en Pennsylvanie, Etats-Unis)