Les autorités ont accusé des "voyous" d'avoir provoqué samedi soir des affrontements et un incendie dans ce centre de détention tristement célèbre, mais des ONG ont mis en doute cette version.
Dans un premier temps, l'Autorité judiciaire iranienne a fait état de quatre décès, des "prisonniers condamnés pour vol, morts après avoir inhalé de la fumée" et 61 blessés, "dont quatre grièvement". Lundi matin, le bilan a été revu à la hausse, passant à huit morts.
L'agence officielle Irna a affirmé que ces incidents n'avaient "rien à voir" avec les manifestations consécutives à la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, 22 ans, entrées dans leur cinquième semaine malgré la répression qui a fait au moins 108 morts, selon l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo.
Version officielle critiquée
Sur des vidéos postées sur les réseaux sociaux, des coups de feu et le bruit d'explosions étaient audibles samedi soir aux abords de la prison, où sont notamment détenus des étrangers. Elle est connue pour ses mauvais traitements des détenus politiques.
Des proches des détenus et des défenseurs des droits humains ont assuré que les autorités avaient fait usage de gaz lacrymogène lors de ces incidents.
Prisonniers politiques
Des centaines de personnes arrêtées lors des protestations contre la mort de Mahsa Amini auraient été envoyées à Evine, parfois surnommée "université Evine" en raison du grand nombre d'intellectuels qui y sont détenus.
C'est dans la prison d'Evine que sont détenus des étrangers ou binationaux comme l'universitaire franco-iranienne Fariba Adelkhah emprisonnée dans la section des femmes. S'y trouve aussi l'Américain Siamak Namazi qui a été emprisonné de nouveau cette semaine après une libération temporaire, selon sa famille.
Le célèbre réalisateur iranien Jafar Panahi, lauréat de plusieurs prix internationaux, et le politicien réformiste Mostafa Tajzadeh se trouveraient eux aussi dans cet établissement pénitentiaire.
"Protéger les prisonniers"
Après l'incendie, plusieurs ONG ainsi que les Etats-Unis se sont dit inquiets pour les prisonniers, mais plusieurs détenus étrangers ont pu contacter leurs familles.
La secrétaire générale d'Amnesty International Agnès Callamard a souligné que les autorités iraniennes avaient "l'obligation légale de respecter et de protéger la vie et le bien-être de tous les prisonniers".
agences/cab/vic
Les manifestations continuent
Le décès le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans, trois jours après son arrestation par la police des moeurs pour infraction selon celle-ci au code vestimentaire strict, a provoqué des protestations en Iran.
"Les mollahs doivent déguerpir!", ont scandé samedi des femmes sans voile au Collège technique et professionnel Shariati de Téhéran, selon une vidéo en ligne. Des jeunes ont manifesté dans les universités de Téhéran, d'Ispahan (sud) et de Kermanshah (nord-ouest), selon des images partagées en ligne.
"Des écolières à Marivan (ouest) ont provoqué des feux dans la rue", a indiqué Hengaw, un groupe de défense des droits des Kurdes d'Iran basé en Norvège. Les grèves ont touché Saghez (nord-ouest), la ville natale de Mahsa Amini, et Mahabad (nord), selon une ONG.
Des dizaines de personnes, principalement des manifestants mais aussi des membres des forces de sécurité, ont été tuées lors des rassemblements, qualifiés d'"émeutes" par les autorités. Des centaines d'autres ont été arrêtées.
Au moins 108 personnes ont été tuées d'après l'ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo. Les manifestations en Iran sont les plus importantes depuis celles de 2019 contre la hausse du prix de l'essence dans ce pays riche en pétrole.