Nombre de Libanais n’ont aujourd'hui plus accès à leurs économies, bloquées illégalement par les établissements bancaires. Les réserves de liquidités sont à sec et les retraits de dollars sont limités.
Né en réaction à cette situation, le mouvement de la Thawra a débuté le 17 octobre 2019. Depuis lors, cette contestation populaire s’est essoufflée et le pays s’enlise dans une crise politique, économique et humaine qui ne fait que s’aggraver.
Huit Libanais sur dix vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Electricité, eau, médicaments: tout vient à manquer. Et face à l’hyperinflation, des épargnants tentent désormais le tout pour le tout pour récupérer leur argent. Depuis cet été, le pays connaît ainsi une série de braquages en série.
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"Tu vas voir, je vais récupérer ton argent"
C'est le cas de Sali Hafez, qui a fait irruption dans sa banque il y a un mois avec un faux pistolet. Cette architecte d’intérieur a ainsi pu récupérer une partie de ses propres économies, soit 12'000 dollars. Les images de son acte ont fait le tour du monde.
"J’avais besoin d’argent, je suis allée plusieurs fois à la banque parce que ma sœur a un cancer, elle n'a pas de quoi payer sa chimio", raconte-t-elle lundi dans le 19h30 de la RTS. "Un jour, ma sœur m’a dit 'c’est fini, y’a plus d’espoir, je vais mourir'. J’ai répondu: tu vas voir, je vais récupérer ton argent, on va te guérir et tu vas voir ta fille grandir."
Sali Hafez s'était rendue à la police une semaine plus tard, mais la banque n'a pas déposé plainte. Elle doit être jugée mercredi au civil pour s’être enfuie après les faits.
"J'ai chargé mon arme et j'ai dit: levez-vous!"
Après des décennies de corruption et d’incurie des dirigeants, la crise économique ne cesse de s’aggraver au Liban. Certains n’hésitent donc plus à utiliser la manière forte pour débloquer leur épargne.
Bassam el-Cheikh est l’un des premiers à avoir lancé le mouvement. Lui aussi a tenté de récupérer les 200'000 dollars d’économies familiales.
"La banque me laissait retirer seulement 400 dollars par mois, puis c’est passé à 200 dollars, puis encore moins", explique-t-il. "Alors, un jour, je suis entré avec mon fusil et un bidon d’essence dans la banque. J’ai verrouillé la porte, j’ai chargé mon arme et j’ai dit: maintenant levez-vous et allez chercher mon argent!" Après dix heures de négociations, Bassam el-Cheikh a finalement récupéré 35'000 dollars.
Cette somme lui a permis notamment de payer les frais de santé de son père gravement malade et de fournir de l’électricité à son immeuble grâce à l'achat de panneaux solaires. "Ici, on n'a jamais d’électricité, à peine quelques minutes par jour. Sans eux, on ne pourrait pas faire fonctionner la machine à oxygène de mon père", souligne-t-il.
Encore aucune plainte déposée
Devenu un symbole des déposants spoliés, cet habitant de Beyrouth appelle aujourd'hui ses concitoyens à suivre son exemple. Il compte du reste repasser à l’action pour récupérer le reste de ses économies.
Jusqu'ici, aucun établissement n’a déposé plainte contre les braqueurs. Dans un pays toujours sans gouvernement, les agences bancaires ont décidé de fermer jusqu’à nouvel ordre.
Sujet TV: Anaïs Renevier/Arthur Sarradin
Adaptation web: oang