C'est toujours une flamme tricolore qui sert d'emblème à Fratelli d'Italia. Ce parti d'extrême droite, présidé par Giorgia Meloni, est devenu la première formation politique d'Italie lors des élections législatives du 25 septembre. Son logo est directement inspiré de celui du Mouvement social italien, fondé en 1946 par des fidèles de Benito Mussolini, et au sein duquel Giorgia Meloni a commencé sa carrière politique, dans les années 1990.
"C'est bien la preuve du fait qu'il y a un lien direct avec le Mouvement social italien, un lien direct avec l'idéologie néofasciste, voire même fasciste", estime Michela Marzano, professeure de philosophie, invitée dans Géopolitis. Cette ancienne députée de gauche au Parti démocrate considère que "le fait que Giorgia Meloni n’ait pas voulu éliminer ce symbole en dépit du fait qu'on le lui a demandé justement pour qu’elle montre la rupture par rapport au passé, c'est pour moi un des signes inquiétants de ce qu’elle est et de ce qu’elle représente".
Meloni et le fascisme
Le parti de Giorgia Meloni a connu une ascension fulgurante depuis les dernières élections de 2018, passant de 4,3% des voix à 26%. Giorgia Meloni s'est imposée au sein de la coalition de droite qui a remporté la majorité des sièges au Parlement italien. Les deux autres grands partis de cette coalition, Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Lega de Matteo Salvini, ont récolté moins de 10% des voix. En 2018, c'est Matteo Salvini qui avait obtenu le meilleur score au sein de cette coalition.
Tout au long de la campagne, Giorgia Meloni s'est attachée à lisser son image. En août, elle affirmait dans une vidéo qu'il y a "plusieurs décennies que la droite nationale a relégué le fascisme à l’histoire, en condamnant sans ambiguïté la privation de la démocratie et les infâmes lois antijuives". Mais Giorgia Meloni n'a jamais complètement renié son passé. En 1996, alors jeune militante, elle affirmait devant la caméra de France 3 :"Moi, je crois que Mussolini, c’était un bon politicien. C’est-à-dire que tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour l’Italie."
Le cofondateur de Fratelli d'Italia, Ignazio La Russa, n'a jamais caché sa nostalgie de l'époque fasciste. Dans une vidéo tournée en 2018, il montrait à un journaliste sa collection de reliques fascistes. Ignazio La Russa vient d'être élu à la présidence du Sénat italien, à la suite des élections législatives. Pour Michela Marzano, le résultat obtenu par Fratelli d'Italia démontre que l'Italie n'a jamais regardé en face son passé. "Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on a mis un point, et on est allé à la ligne. C'était peut-être la seule chose à faire après la guerre civile, après 20 ans de dictature, après la Deuxième Guerre mondiale et après la Shoah. Mais comment se fait-il qu’en Italie on n'ait jamais rouvert ces dossiers? C'est arrivé en Allemagne. C'est arrivé en France. En Italie, qu’est-ce qu’on attend?", s'étonne Michela Marzano, qui ajoute :"Nous n'avons pas réglé nos comptes avec notre passé, ce qui explique cette résurgence fasciste et donc aussi une grande partie de mes inquiétudes."
"Dieu, patrie, famille"
Lors d'un meeting en Espagne en juin dernier, Giorgia Meloni résumait ainsi les valeurs qu’elle promeut: "Oui à la famille naturelle ; non aux lobbys LGBT ! Oui à l’identité sexuelle ; non à l’idéologie de genre ! Oui à la culture de vie ; non à celle de la mort ! Oui à l’universalité de la croix ; non à la violence islamiste !" Dans une Italie en déclin démographique, celle dont l'un des slogans est "Dieu, famille, patrie" propose d’augmenter les aides pour les familles et de faire baisser le recours à l’avortement. Elle veut aussi renforcer le contrôle des frontières et bloquer les débarquements de migrants.
Pour Michela Marzano, les valeurs mises en avant par Giorgia Meloni sont des valeurs du passé. Elle dénonce le retour déguisé d'"une façon d'être et de faire" fasciste. "Quand on a tendance à agresser quelqu'un en raison de son orientation sexuelle. Quand on a tendance à dire à une femme : "Tu ne vas pas avoir le droit d'avorter". Quand on a tendance à dire ce qu'il faut être et ce qu'il faut faire, on est exactement à l'intérieur de cette façon d'être du fascisme", estime Michela Marzano.
Le président italien Sergio Mattarella vient de confier à Giorgia Meloni la tâche de former un exécutif. Elle sera la première femme présidente du Conseil des ministres.
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Elsa Anghinolfi