Arrivée au 10 Downing Street début septembre pour succéder à un Boris Johnson emporté par le scandale du "Partygate", Liz Truss a déjà été contrainte à une série de revirements sur ses promesses de campagne et a dû changer de ministre des Finances après que le "mini-budget" présenté fin septembre a déclenché une panique sur les marchés financiers.
>> Lire à ce propos : Les mesures budgétaires de Liz Truss suscitent déjà la controverse au Royaume-Uni
"Etant donnée la situation, je ne peux accomplir le mandat pour lequel j'ai été élue par le parti conservateur. J'ai donc parlé à sa majesté le Roi pour lui notifier que je démissionne", a déclaré la dirigeante de 47 ans devant le 10 Downing Street, dans une très courte prise de parole. Les 44 jours tumultueux passés à la tête du gouvernement britannique font d'elle le Premier ministre à la longévité la plus courte de l'histoire contemporaine du Royaume-Uni.
Nouvelle élection d'ici le 28 octobre
Un scrutin pour lui trouver un successeur au sein du parti conservateur aura lieu "d'ici à la semaine prochaine", a ajouté la dirigeante conservatrice. "J'ai rencontré ce matin le président du Comité 1922, Sir Graham Brady. Nous sommes tombés d'accord pour dire qu'il devrait y avoir une élection la semaine prochaine. Cela nous permettra de mettre en oeuvre nos projets budgétaires et de maintenir la stabilité économique et la sécurité nationale", a expliqué Liz Truss.
"Il sera possible de conduire un scrutin et de conclure une élection d'ici au vendredi 28 octobre", a confirmé Sir Graham Brady alors que le processus de sélection de Liz Truss par les quelque 170'000 adhérents du parti au pouvoir avait pris deux mois après le départ de Boris Johnson. >> Lire l'encadré sur le processus de remplacement.
A noter que le nouveau ministre des Finances, Jeremy Hunt, ne devrait pas être candidat à sa succession, ont déjà rapporté plusieurs médias dont la BBC. Aucun candidat ne s'est présenté encore officiellement. Parmi les personnalités attendues figurent l'ancien ministre des Finances Rishi Sunak, candidat malheureux contre Liz Truss, la ministre Penny Mordaunt, l'ex-ministre de l'Intérieur Suella Braverman, qui a démissionné mercredi du gouvernement, ou encore Boris Johnson qui selon le Times envisage un retour au nom de "'l'intérêt national". L'ancien Premier ministre avait été remplacé en septembre.
Revirement de situation
Jeudi matin encore, elle semblait pourtant s'accrocher au pouvoir, un porte-parole assurant à la mi-journée qu'elle "travaillait" avec son ministre des Finances Jeremy Hunt pour préparer leur plan économique de moyen terme, au lendemain d'une journée catastrophique pour elle.
Mais en fin de matinée, elle a rencontré le député à la tête du puissant Comité 1922 chargé de l'organisation interne du parti conservateur (et donc d'une éventuelle procédure de remplacement), au moment où la dirigeante conservatrice se débattait avec une majorité de plus en plus frondeuse, la liste de parlementaires demandant son départ s'allongeant d'heure en heure.
"Liz Truss doit partir dès que possible", avait lâché l'ancien ministre conservateur David Frost, qui la soutenait ardemment auparavant, dans une tribune au Daily Telegraph.
Cinq élections en six ans
Plus impopulaire que jamais dans l'opinion, sans programme économique après l'humiliant renoncement aux baisses d'impôts et ayant dû se priver de deux de ses plus importants ministres, Liz Truss avait beau assurer qu'elle voulait rester en place, son maintien à Downing Street semblait bien compromis.
En pleine crise économique du coût de la vie, qui voit des millions de Britanniques souffrir de l'inflation, le parti conservateur réenclenche une élection interne pour se trouver un nouveau dirigeant - le cinquième en six ans -, alors que la précédente a eu lieu cet été, après la démission de Boris Johnson, sur fonds de scandales à Downing Street et dans la majorité.
fgn avec les agences
Un processus de remplacement rapide
Au maximum trois députés conservateurs pourront être officiellement candidats à la succession de Liz Truss au poste de Premier ministre britannique, en vertu des règles présentées jeudi par le Parti conservateur. Ils seront ensuite départagés par les députés, et éventuellement les adhérents.
"Les candidats devront avoir au moins 100 collègues (sur 357 députés conservateurs, ndlr) pour les parrainer", a déclaré Graham Brady, un responsable de la majorité.
Ensuite, les députés devront soit se mettre d'accord sur deux noms que les 170'000 adhérents du parti devront départager par un vote en ligne d'ici à vendredi 28 octobre, soit sur un seul nom qui entrerait alors immédiatement à Downing Street.
Ce processus est bien plus sélectif que celui suivant la démission de Boris Johnson en juillet: huit candidats avaient pu se présenter devant les députés, qui en avaient éliminé six. Puis les adhérents avaient disposé de six semaines pour voter et départager les deux finalistes.
Les réactions internationales
La diplomatie russe a été l'une des premières à réagir, raillant par la voix de Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, l'annonce de la démission de Liz Truss.
"La Grande-Bretagne n'a jamais connu un tel embarras causé par un Premier ministre", a-t-elle écrit sur Telegram. "On se souviendra du casque sur un char, d'un illettrisme catastrophique et des funérailles de la reine immédiatement après son audience avec Liz Truss", a-t-elle ajouté.
De son côté, le président français Emmanuel Macron a dit espérer que le Royaume-Uni retrouvera "rapidement" la "stabilité". "J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de rencontrer Liz Truss. Nous avons encore échangé cette semaine et nous avions une relation de travail qui se construisait", a-t-il dit à son arrivé à un sommet de dirigeants de l'UE à Bruxelles.
Le président américain Joe Biden a promis de poursuivre une "étroite coopération" avec le gouvernement britannique après la démission de la Première ministre Liz Truss, qu'il a remerciée.
"Je remercie la Première ministre Liz Truss pour ce partenariat", a-t-il déclaré dans un communiqué, en assurant que l'amitié "au long terme" et la "fermeté" de l'alliance entre les deux pays resteraient inchangées.