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Début d'une campagne-éclair pour déterminer le successeur de Liz Truss

Au Royaume-Uni, une campagne-éclair va déterminer la succession de Liz Truss au poste de Premier ministre
Une campagne-éclair va déterminer la succession de Liz Truss à la tête du gouvernement britannique / 19h30 / 2 min. / le 21 octobre 2022
Après la démission de la Première ministre britannique Liz Truss, une nouvelle course à Downing Street s'est amorcée vendredi, avec de probables velléités de retour de Boris Johnson. Celui-ci enregistre ses premiers soutiens mais aussi une opposition féroce.

Le Royaume-Uni doit avoir un nouveau chef de gouvernement au plus tard dans une semaine. Aucun candidat ne s'est encore publiquement lancé pour ce scrutin interne au Parti conservateur au pouvoir. Mais la possible candidature de Boris Johnson, à la Une d'une large partie de la presse vendredi, prend corps à mesure que les déclarations de soutien se multiplient. Parmi les potentiels prétendants figurent aussi l'ex-ministre des Finances Rishi Sunak, l'actuelle ministre chargée des relations avec le Parlement Penny Mordauntet.

Ancien chancelier de l'Echiquier, Rishi Sunak avait terminé derrière Liz Truss lors de l'élection pour désigner le nouveau chef du parti conservateur. [Keystone - Tolga Akmen]
Ancien chancelier de l'Echiquier, Rishi Sunak avait terminé derrière Liz Truss lors de l'élection pour désigner le nouveau chef du parti conservateur. [Keystone - Tolga Akmen]

Le futur successeur de Liz Truss prendra la tête d'un pays plongé dans une grave crise du coût de la vie, avec une inflation qui dépasse les 10%, au plus haut depuis 40 ans. Le contexte social est tendu au Royaume-Uni, où les grèves se sont multipliées ces derniers mois, dans les transports notamment.

"Le gouvernement conservateur et le parti dans son ensemble sont totalement déchirés. Le parti conservateur est largement discrédité dans les sondages d'opinion. Le pays est au bord de l'abîme politique", analyse l'historien Philippe Chassaigne vendredi dans La Matinale.

>> Lire aussi : La Première ministre britannique Liz Truss annonce sa démission

Un retour de Boris Johnson

Trois mois après son départ dû à une succession de scandales, les proches de Boris Johnson mettent en avant la légitimité qu'il tire de son triomphe électoral fin 2019.

Boris Johnson avait promis "qu'il reviendrait" lors de son discours d'adieu. [Keystone - Neil Hall]
Boris Johnson avait promis "qu'il reviendrait" lors de son discours d'adieu. [Keystone - Neil Hall]

L'ancien Premier ministre a reçu vendredi le soutien de l'influent ministre de la Défense Ben Wallace, qui a annoncé qu'il "penchait" pour Boris Johnson compte-tenu notamment des mesures qu'il avait prises pour la sécurité du pays. "Mais vous savez, il reste encore plusieurs jours, nous verrons ce qui se passe", a-t-il toutefois tempéré à la télévision.

Le ministre des Entreprises Jacob Rees-Mogg est devenu vendredi le premier membre du gouvernement actuel à soutenir Boris Johnson en lançant sur Twitter le mot d'ordre #BORISorBUST, "BORISouLAFAILLITE".

Pour le politologue Tim Bale, professeur à l'université Queen Mary de Londres, le seuil des 100 parrainages écarte "probablement" Boris Johnson. "Je ne pense pas que les députés veuillent revenir en arrière", estime-t-il. En juillet, "les deux tiers des électeurs voulaient qu'il démissionne."

"Cela relève de l'imaginaire de penser que les électeurs veuillent son retour", a-t-il poursuivi, avant de conclure: "Mais certains députés conservateurs vivent dans un monde imaginaire."

Jeremy Stubbs, président de l'association des conservateurs britanniques de Paris, ne pense pas non plus que le retour de Boris Johnson soit possible. "On attend toujours les résultats d'une enquête parlementaire sur Monsieur Johnson. Le verdict de cette enquête pourrait être très négatif, ce n'est pas le moment de le choisir de nouveau comme leader", précise-t-il au micro de Forum.

>> L'interview complète de Jeremy Stubbs dans Forum :

Chaos chez les Conservateurs au Royaume-Uni: interview de Jeremy Stubbs
Chaos chez les Conservateurs au Royaume-Uni: interview de Jeremy Stubbs / Forum / 6 min. / le 21 octobre 2022

De son côté, Philippe Chassaigne rappelle sur la RTS que l'ancien Premier ministre avait déclaré lors de sa dernière allocution devant le 10 Downing Street: "I will be back" ("Je reviendrai", en référence au film "Terminator" ndlr). "Peut-être qu'il attend son heure pour revenir et finalement de dire: 'Vous avez voulu que je parte, mais ma remplaçante n'était pas mieux. Je serai le mieux qualifié pour prendre en main le parti et le pays'."

Processus accéléré

Afin qu'un nouveau Premier ministre soit désigné d'ici au vendredi 28 octobre, un processus accéléré a été mis en place par le parti conservateur, qui est au pouvoir depuis douze ans.

Les prétendants devront avoir les parrainages d'au moins 100 députés tories d'ici à lundi 14h. Ce seuil limite ainsi à trois au maximum le nombre des candidats, le parti comptant 357 députés à la Chambre des communes.

Ce vote des adhérents est une catastrophe. La plupart d'entre-eux sont nostalgiques de Margaret Thatcher

Philippe Chassaigne, historien et professeur à l'Université Bordeaux Montaigne

Ensuite, les députés devront a priori se mettre d'accord sur deux noms que les 170'000 adhérents du parti devront départager par un vote en ligne d'ici au 28 octobre.

"Ce vote des adhérents est une catastrophe. La plupart d'entre eux sont âgés et sont donc nostalgiques de Margaret Thatcher. Ils ne représentent pas le pays. Un leader élu par cette base extrêmement radicale aura des difficultés à aller toucher des éléments plus centriste de la société", explique Philippe Chassaigne.

Les députés conservateurs pourraient aussi se mettre d'accord sur le nom d'une seule personne qui entrerait alors immédiatement à Downing Street, sans passer par la case du vote des adhérents. En attendant, Liz Truss reste au pouvoir.

>> Les réactions au Royaume-Uni recueillies dans le 12h30 :

Sans surprise, Liz Truss a fait la Une vendredi de tous les quotidiens britanniques. [Keystone - David Cliff]Keystone - David Cliff
Réactions de la population britannique après la démission de Liz Truss / Le 12h30 / 1 min. / le 21 octobre 2022

>> Les Britanniques sont lassés par la politique :

Les Britanniques sont lassés par la politique après le naufrage de Liz Truss à la tête du pays, et redoutent les affres de la crise économique
Les Britanniques sont lassés par la politique après le naufrage de Liz Truss à la tête du pays, et redoutent les affres de la crise économique / 19h30 / 2 min. / le 21 octobre 2022

jfe avec ats

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Eviter des élections anticipées

Les conservateurs, qui ont dévissé dans les sondages, ne veulent pas lancer des élections anticipées, craignant une déroute historique. Les Tories préfèrent travailler à rétablir leur réputation avant un nouveau scrutin prévu dans 2 ans. Mais le mandat de Liz Truss a mis en évidence une majorité toujours plus divisée et de plus en plus ingouvernable.

Pour le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer, peu importe le mécanisme choisi, ce scrutin interne chez les conservateurs est anti-démocratique, le reste du pays a trop longtemps été ignoré.

"Nous ne pouvons pas avoir chaos sur chaos. Nous ne pouvons pas avoir une autre expérimentation à la tête du parti conservateur. Il y a une alternative: c’est un gouvernement travailliste stable. Le public doit avoir son mot à dire, raison pour laquelle il faut des élections générales", a-t-il déclaré.

"Chaos" pour la presse

Au lendemain de la démission de Liz Truss, la presse britannique et internationale n'a pas mâché ses mots pour commenter ce départ. Comme de nombreux médias, le Times décrit une Première ministre hors de la réalité, à la réputation ruinée et qui laisse son parti dans le chaos.

Le journal souligne aussi le fait que Liz Truss n'a pas eu "un mot d'excuse" lors de son discours de démission. "Elle semblait aussi affectée que si elle avait raté une partie de bridge", a ajouté le quotidien.

En l'espace de 44 jours, la cheffe du gouvernement a provoqué une crise financière, perdu deux ministres importants et annihilé la confiance de la quasi-totalité de sa majorité parlementaire, estime The Guardian, titrant son édition de vendredi: "La fin amère".

Sans surprise, Liz Truss a fait la Une vendredi de tous les quotidiens britanniques. [Keystone - David Cliff]
Sans surprise, Liz Truss a fait la Une vendredi de tous les quotidiens britanniques. [Keystone - David Cliff]

A l'internationale, Le Monde décrit Liz Truss comme une oratrice "terrible" et "imperméable" à la critique, qui a entraîné un tourbillon d'incohérences et de revirements qui ont encore surpassé ce que le Royaume-Uni avait connu jusque-là.

La presse s'est également intéressée à la succession de la Première ministre sortante. De nombreux journaux, comme le Daily Telegraph, prédisent le "comeback" de Boris Johnson. Pour le Mail, la bataille devrait opposer "BoJo" à Rishi Sunak en titrant: "Combat pour le salut des Tories".

Pour la BBC, le peuple britannique mérite mieux que ce chaotique claquement de portes. Dans la même veine, le Mirror titre en pleine page "Des élections générales maintenant".

>> Ecouter aussi le sujet de Tout un monde :

La démission de Liz Truss et sa succession étaient en Une de la presse britannique. [Keystone - David Cliff]Keystone - David Cliff
Revue de presse au lendemain de la démission de Liz Truss au Royaume-Uni / Tout un monde / 4 min. / le 21 octobre 2022