Giorgia Meloni est nommée Première ministre par le président italien Sergio Mattarella
La Romaine âgée de 45 ans a réussi à "dédiaboliser" son parti pour parvenir au pouvoir exactement un siècle après Mussolini. Elle dispose avec ses partenaires de coalition, le dirigeant populiste de la Ligue antimigrants Matteo Salvini et le chef déclinant de Forza Italia Silvio Berlusconi, de la majorité absolue tant à la Chambre des députés qu'au Sénat.
Giorgia Meloni a présenté dans la foulée de sa nomination la composition de son gouvernement, qui prêtera serment samedi matin à 10h00 sous les ors du palais du Quirinal devant le président de la République Sergio Mattarella. La liste des ministres - 24 au total, dont seulement six femmes - reflète son désir de rassurer les partenaires de Rome.
Equipe nommée
L'ancien président du Parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, est nommé aux Affaires étrangères avec le titre de vice-Premier ministre (voir encadré), et Giancarlo Giorgetti, un représentant eurocompatible de l'aile modérée de la Ligue déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, prend le portefeuille crucial de l'Economie.
Quant à Matteo Salvini, il est également nommé vice-Premier ministre, mais doit se contenter du portefeuille des Infrastructures et Transports alors qu'il convoitait celui plus prestigieux de l'Intérieur, qui échoit à un technocrate, le préfet de Rome Matteo Piantedosi.
Fissures dans la coalition
Au moment où la troisième économie de la zone euro affronte, comme ses voisins, une situation économique difficile due à la crise énergétique et à l'inflation, la tâche de Giorgia Meloni s'annonce ardue, d'autant qu'elle devra veiller à l'unité de sa coalition qui montre déjà des fissures.
Matteo Salvini et Silvio Berlusconi renâclent à accepter l'autorité de Giorgia Meloni, dont le parti a remporté 26% des voix aux élections du 25 septembre, contre seulement 8% pour Forza Italia et 9% pour la Ligue.
Les médias se sont fait l'écho des multiples passes d'armes entre les trois dirigeants sur la répartition des postes au Parlement et au sein du gouvernement.
Propos polémiques de Berlusconi
Elle-même atlantiste et favorable au soutien à l'Ukraine face à la Russie, Mme Meloni a dû affronter cette semaine les propos polémiques de M. Berlusconi, qui a affirmé avoir "renoué" avec Vladimir Poutine et imputé à Kiev la responsabilité de la guerre.
Des déclarations du plus mauvais effet alors que l'arrivée au pouvoir de cette coalition à dominante eurosceptique est suivie de près par les chancelleries. Mme Meloni s'est sentie obligée de rectifier le tir mercredi en affirmant que l'Italie fait "pleinement partie et la tête haute" de l'Europe et de l'Otan.
"Dieu, patrie, famille"
Oratrice de talent, Giorgia Meloni, une chrétienne conservatrice hostile aux droits LGBT+ ayant pour devise "Dieu, patrie, famille", a cependant promis de ne pas toucher à la loi autorisant l'avortement. Elle et ses ministres devront se concentrer sur les nombreux défis, essentiellement économiques, qui les attendent.
L'inflation dans la péninsule a augmenté en septembre de 8,9% sur un an et l'Italie risque d'entrer en récession technique l'an prochain, au côté de l'Allemagne. Les marges de manoeuvre sont limitées par une dette colossale représentant 150% du produit intérieur brut (PIB), le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce.
Eurosceptique notoire, Giorgia Meloni a renoncé à militer pour une sortie de l'euro, mais elle a promis de défendre davantage les intérêts de son pays à Bruxelles. Et ce alors que la croissance dépend de près de 200 milliards d'euros de subventions et de prêts accordés par l'Union européenne dans le cadre de son fonds de relance post-pandémie.
aps avec afp
Un pro-européen pour diriger la diplomatie de Meloni l'eurosceptique
Eurosceptique elle-même, Giorgia Meloni a choisi pour diriger la diplomatie italienne un Européen convaincu, l'ex-président du Parlement de Strasbourg Antonio Tajani, qui sera flanqué aux Affaires européennes aux côtés d'un fidèle de la Première ministre, l'eurodéputé Raffaele Fitto.
Antonio Tajani coche toutes les cases pour rassurer Bruxelles et les capitales européennes: ancien commissaire européen et actuel vice-président du Parti populaire européen (PPE, droite), ce Romain de 69 ans ayant beaucoup d'entregent dispose d'un réseau qui s'avérera très utile pour Giorgia Meloni.
Député européen depuis 1994, Antonio Tajani a été constamment réélu, devenant l'ombre de Silvio Berlusconi à Bruxelles et au sein du PPE sous le vernis d'une élégance discrète servie par un visage de patricien. Il se retrouve à ce titre régulièrement dans la position délicate de devoir "corriger" les propos intempestifs du milliardaire de 86 ans.
Des "euroréalistes, pas des eurosceptiques"
Moins connu sur la scène internationale, son collègue aux Affaires europénnes Raffaele Fitto est eurodéputé, coprésident du Groupe des conservateurs et réformistes européens, présidé par Giorgia Meloni.
Né en août 1969 dans les Pouilles (sud), il devient en 2000 le plus jeune président d'une région italienne, sa région natale, sous les couleurs de Forza Italia, son cinquième parti depuis qu'il s'est lancé dans la carrière politique, suivant les traces de son père.
Elu en 2014 au Parlement européen, il démissionne de son poste de député italien et à partir de cette date se consacre essentiellement à son activité européenne. "Nous sommes euroréalistes, pas eurosceptiques", disait-il à la mi-septembre dans une interview au quotidien italien de droite Il Foglio.