A la télévision russe, ce sont dans les talk-shows, plus que dans les journaux télévisés, que l’on entend des propos parfois proches de l’insoutenable à l’encontre des Ukrainiens.
La semaine dernière, un présentateur de la chaîne télévisée RT en Russie, Anton Krassovski, est allé un cran au-delà de ses collègues ou de ce qu’il a pu dire par le passé. Il a en effet appelé à tuer avec cruauté des enfants ukrainiens russophones qui considéreraient Moscou comme un occupant. Il a exhorté à "jeter" ces enfants "directement dans une rivière avec un courant fort" ou à les "brûler dans une hutte".
Il répondait à une anecdote d'un invité sur son plateau qui lui racontait son voyage en Ukraine du temps de l'URSS dans les années 1980 et le sentiment de certains jeunes Ukrainiens de "souffrir de l'occupation" russe.
Des propos "sauvages" et "dégoûtants"
La patronne de RT en Russie, Margarita Simonian, a rapidement condamné ces propos, les jugeant "sauvages" et "dégoûtants". "Pour l'instant, j'arrête notre collaboration", a-t-elle affirmé dans un communiqué sur Telegram.
"Pour les enfants d'Ukraine, ainsi que pour les enfants du Donbass et pour tous les autres enfants, je souhaite que tout cela se termine le plus tôt possible, et qu’ils puissent à nouveau vivre et étudier en paix - dans la langue qu’ils considèrent comme leur langue maternelle", a-t-elle ajouté. Lundi matin, elle a dit vouloir "mettre en garde ceux qui appellent aux atrocités".
A noter que ce n'est pas la première fois qu'Anton Krassovski attaquait verbalement les Ukrainiens depuis le début de l'offensive russe chez son voisin en février. Fin mars, il avait dit dans une vidéo sur Youtube vouloir "détruire leur Constitution", assurant également que l'Ukraine "ne devrait pas exister".
Le Comité d'enquête russe, en charge des principales investigations dans le pays, a indiqué lundi avoir exigé "un rapport" sur cet incident, à la suite d'un signalement d'un téléspectateur. Mais aucune allusion n’a été faite quant à la responsabilité de la chaîne RT, outil de propagande au service du Kremlin.
Dans la foulée, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, avait lui appelé dimanche sur Twitter à "bannir RT dans le monde", qualifiant l'intervention d'Anton Krassovski d'"incitation agressive au génocide (...), qui n'a rien à voir avec la liberté d'expression".
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De nombreux autres exemples
Sur les grandes chaînes russes, Russia Today en première ligne, il n'est pas rare que des invités ou journalistes tiennent des propos choquants, le plus souvent sans être inquiétés. L’un d'eux appelait par exemple récemment à utiliser la faim ou le froid comme une arme de guerre contre les populations civiles en Ukraine.
Autre exemple, toujours sur Russia Today, un journaliste et son invité ont prétendu que les Ukrainiens ne sont que des Russes malades mentaux, et qu'ils se "soigneront" une fois que la Russie aura gagné. Ils ont en outre proposé de détruire tous les monuments commémoratifs de l'Holodomor, la grande famine qui a eu lieu en URSS en 1932 et 1933, et plus particulièrement en Ukraine et dans le Kouban, et qui a fait, selon les estimations des historiens, entre 2,6 et 5 millions de morts.
Dans une autre émission du RT, les législateurs russes Andrey Gurulyov et Konstantin Dolgov préconisent de geler, d'affamer la population civile ukrainienne, de la forcer à l'exil en rendant sa survie impossible autrement. L'animatrice Olga Skabeeva affirme sans sourciller que la Russie n'a tout simplement pas d'autre choix.
Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis n'échappent pas à la propagande du Kremlin relayée par Russia Today. Un de ses présentateurs a en effet affirmé que si les démocrates perdent les élections de mi-mandat, les nouvelles élites américaines tenteront de conclure un accord avec la Russie pour se débarrasser du président ukrainien Volodymyr Zelensky en déclenchant une guerre nucléaire en Europe.
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Sujet radio: Isabelle Cornaz
Sujet pour le web: Fabien Grenon
La France obtient le retrait de médias russes d'une plateforme vidéo américaine
La plateforme américaine de diffusion de vidéos en ligne Odysee a cessé de diffuser les contenus des médias russes RT France et Sputnik à la demande du gouvernement français, a indiqué jeudi le ministre chargé du numérique, Jean-Noël Barrot.
Accusés d'être des instruments de "désinformation" de Moscou dans sa guerre contre l'Ukraine, les médias russes RT et Sputnik sont officiellement bannis de l'Union européenne depuis mars.
Odysee est une plateforme de diffusion de vidéo décentralisée, particulièrement prisée par les producteurs de contenus complotistes.
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