Le prix Nobel de la paix a été décerné le 7 octobre dernier à Stockholm au Biélorusse Ales Bialiatski, à l’organisation russe de défense des droits humains Memorial et au Centre pour les libertés civiles (CCL) en Ukraine. Ils ont été récompensés conjointement pour leur engagement au sein de la société civile en pleine guerre en Ukraine.
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Des militants et des militantes des droits humains du monde entier sont réunis à Paris depuis dimanche pour le forum de la Fédération internationale des droits humains (FIDH). C'est là que la RTS a pu rencontrer des représentants des lauréats.
"Nous n'avons pas été écoutés"
Le CCL ukrainien documente depuis 2014 les crimes et les persécutions politiques en Crimée, une action qui se poursuit avec la guerre en Ukraine.
Nous devons briser ce cercle d’impunité et mettre en place un tribunal international.
"J’ai interviewé des centaines de personnes qui ont survécu à la captivité russe. Elles m’ont raconté comment elles avaient été frappées, violées, comment leurs doigts ont été coupés, leurs ongles ont été retournés, leurs genoux percés et d’autres histoires atroces", détaille sa présidente Oleksandra Matviichuk mardi dans l'émission Tout un monde.
"Et nous n’avons pas été écoutés", déplore-t-elle. "Ces pratiques horribles continuent." Mais "ce prix Nobel permet à notre voix d’avoir plus de poids (…) pour stopper ces atrocités commises par des Russes", souligne l'Ukrainienne. "Nous devons briser ce cercle d’impunité, nous devons mettre en place un tribunal international et Poutine, Loukachenko et les autres criminels de guerre doivent rendre des comptes."
Les prémices de l'invasion russe
En Russie, l'ONG Memorial, plus ancienne organisation de défense des droits humains du pays, a été interdite à fin 2021.
Une partie de ses militants vit désormais en exil. C'est le cas de la juriste Natalia Morozova, qui explique à quel point les attaques de Vladimir Poutine contre Memorial, qui se sont renforcées à l'automne 2021, étaient les prémices de la guerre en Ukraine.
"La liquidation de notre organisation a commencé en novembre 2021", rappelle-t-elle. "Et c'était l'un des premiers signes de ce qui allait arriver, mais la répression a commencé bien avant (…) Maintenant, on ne peut plus sortir dans la rue [pour manifester]. On finit tout de suite au commissariat où on n'est pas sûr de ne pas être torturé."
Nathalia Moroza estime elle aussi que ce Nobel de la paix donne du poids à Memorial, mais que cette visibilité rend aussi la vie des militants qui sont restés en Russie plus dangereuse.
Améliorer la détention d'Alès Bialiatski
Le Biélorusse Alès Bialiatski, lui, vient de fêter ses 60 ans en prison dans son pays. Ce célèbre militant a fondé l’ONG Viasna.
Alès Bialiatski se trouve dans la cave d'une prison et son état de santé s'est aggravé.
Le juriste Pavel Sapelko travaille pour cette organisation de défense des droits humains en documentant les crimes du président biélorusse Loukachenko. Il espère que ce prix mettra en valeur le travail des défenseurs des droits humains de manière générale et qu’il permettra aussi d’adoucir les conditions de détention d’Alès Bialiatski.
"Il se trouve dans une sorte de cave d'une prison qui date d'il y a 200 ans au centre de Minsk et son état de santé s'est aggravé", raconte-t-il en décrivant une situation particulièrement préoccupante.
Qu’ils soient en prison dans leur pays ou en exil, tous ces militants poursuivent un objectif: qu’un jour les crimes de Vladimir Poutine ou d’Alexandre Loukachenko soient punis par la justice internationale. Ils espèrent, mais sans trop y croire, que ce prix Nobel les aidera à y parvenir.
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Sujet radio: Ariane Hasler
Adaptation web: oang