"Ce que nous vivons aujourd'hui en Haïti est inédit. On n'avait jamais vécu cela", témoigne un professeur d'université vendredi dans La Matinale.
Le pays enchaîne les crises. Il y a tout d'abord une crise sanitaire avec le retour du choléra, dont les derniers chiffres font état de 2000 cas suspects. Il y aussi une crise alimentaire qui a fait apparaître pour la première fois la famine sur l'île.
De plus, le gouvernement d’Ariel Henry est considéré comme illégitime par une partie de la société civile, créant ainsi une instabilité politique et une crise sécuritaire. Face à l'impuissance de la police, les gangs gagnent du terrain. Ils commettent des meurtres, des viols et, depuis un mois, ils bloquent l’accès du plus grand terminal pétrolier, rendant les déplacements sur l'île quasiment impossible.
"On ne sait pas à quel moment on peut être kidnappé"
"Les personnes sont calfeutrées chez elles: sortir est un risque considérable. On ne sait pas à quel moment on peut être kidnappé. Toutes les écoles sont fermées, les universités et les entreprises aussi. Les banques ouvrent deux à trois fois dans la semaine", raconte le professeur d'université, qui souhaite rester anonyme.
L'octogénaire, qui pensait avoir tout vu en Haïti, compare la situation actuelle à celle du Rwanda en 1994, un pays abandonné par la communauté internationale au moment du génocide. Pour lui, une assistance militaire d’urgence est nécessaire. "Il faut une assistance militaire qui puisse permettre de libérer les axes routiers, de contenir les gangs et d'aider la police à se restructurer et faire son travail", précise-t-il.
Il faut une assistance militaire qui puisse permettre de libérer les axes routiers, de contenir les gangs et d'aider la police à se restructurer et faire son travail
Si la question est étudiée par les Etats-Unis, il n'y a, pour le moment, pas de grandes annonces sur une éventuelle force internationale pour lutter contre les gangs et rétablir la sécurité. "Les puissances étrangères ont attendu trop longtemps et c'est pour cette raison que nous sommes arrivés à cette situation. Les gangs avancent et occupent de nouveau l'espace. Est-ce qu'on veut attendre qu'il y ait de nouveaux massacres pour agir?", questionne le professeur.
Une aide en préparation
“La situation n’est plus soutenable”, déclarait jeudi le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken au Canada, où il s'était rendu pour discuter entre autres de la situation en Haïti. Mais la visite du représentant américain n’aura finalement pas suffi à convaincre les Canadiens. Juste avant la visite, certains officiels américains se disaient confiants dans le fait que le Canada pourrait chapeauter l’envoi d’une force internationale en Haïti.
Mais lors de la conférence de presse commune, la ministre canadienne des Affaires étrangères s’est montrée un peu plus réservée. "A l’heure actuelle, c’est le peuple qui souffre en Haïti, alors notre objectif, c’est de les aider”, a-t-elle déclaré. Ottawa privilégie donc l’aide humanitaire et insiste sur le fait qu'il faut soutenir la police locale dans sa lutte contre les gangs.
De son côté, Anthony Blinken a précisé que les discussions se poursuivaient. La question de l’envoi d’une force internationale pour aider à rétablir la sécurité en Haïti est en débat depuis plusieurs jours, notamment au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, mais aucune précision n’a été donnée sur la forme qu’elle pourrait prendre.
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Sujets radio: Karine Vasarino et Loubna Anaki
Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva