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Une "Bible des esclaves" pour mieux les contrôler au 19e siècle

RTSreligion (vidéo) - Une "bible des esclaves" qui légitimait l'exploitation au 19e siècle
RTSreligion (vidéo) - Une "bible des esclaves" qui légitimait l'exploitation au 19e siècle / RTSreligion / 2 min. / le 28 octobre 2022
Une exposition à Utrecht, aux Pays-Bas, remet en lumière ce qu’on appelle la "Bible des esclaves". Tous les passages évoquant la liberté et l’égalité ont été supprimés dans cette édition qui date du début du 19e siècle.

Cette Bible devait servir au travail des missionnaires britanniques dans les colonies de ce qu’on appelait à l'époque "les Indes occidentales", de l’autre côté de l’Atlantique. Elle leur permettait de maintenir à leur place les esclaves qu’ils entendaient évangéliser, tout en tentant de prendre soin de leurs âmes.

Le texte de cette version des Saintes Ecritures, publié en 1807 à Londres, est donc largement caviardé: il manque dans le volume 90% de l’Ancien Testament et la moitié du Nouveau.

Un livre pour légitimer la domination

Cette "Bible de la honte", qui servait à légitimer la domination, est visible jusqu’en avril 2023 au Musée du Couvent Sainte-Catherine d’Utrecht, aux Pays-Bas, dans le cadre d’une exposition sur la musique gospel.

Le choix des passages supprimés dans cet ouvrage n’a pas été fait au hasard. Il n'y a pas trace, par exemple, du célèbre verset presque révolutionnaire annonçant: "Il n’y a plus ni esclave, ni personne libre; il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ".

"Obéir avec crainte et tremblement"

Tous les textes appuyant la servitude sont en revanche maintenus, comme celui qui appelle les esclaves à obéir à leurs maîtres "d’un coeur simple, avec crainte et tremblement".

Les Psaumes, ces écrits bibliques qui expriment l’espoir d’une délivrance de l’oppression, font aussi partie des grands absents. A l'inverse, les passages relatifs à la Loi sont systématiquement maintenus.

Il ne reste actuellement plus que trois exemplaires de cette Bible de l’oppression. Ces volumes rares sont conservés dans des bibliothèques universitaires en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Réfléchir à l'utilisation des textes fondateurs

Remis en lumière aux Pays-Bas, ce document éclaire un pan peu glorieux de l’Histoire, en montrant les comportements - voire les compromissions - que les Eglises ont pu avoir à l’encontre des esclaves noirs en Amérique centrale. Et cela, en dépit du message de libération dont elles étaient porteuses.

Par ailleurs, cette édition orientée des Ecritures amène à réfléchir à l’utilisation qui est faite des textes fondateurs: quels sont ceux que l’on passe sous silence, et pour quelles raisons? Elle rappelle que l’interprétation de ces textes, toujours nécessaire, est parfois délicate. Elle peut même conduire à des perversions lorsqu’elle est mise au service de causes discutables.

RTSreligion/Matthias Wirz

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