"Où est Nancy?" Tels sont les mots qu'a prononcés l'assaillant qui s'est introduit au domicile de Paul et Nancy Pelosi à San Francisco, dans la nuit de jeudi à vendredi, selon les médias locaux.
>> Lire : Le mari de Nancy Pelosi agressé au domicile du couple à San Francisco
Faute de trouver l'élue démocrate, alors à Washington, l'homme de 42 ans, adepte des théories du complot, s'en est pris à son époux, Paul Pelosi, 82 ans. Grièvement blessé au marteau, celui-ci a subi une intervention chirurgicale. "Son état continue de s'améliorer", a indiqué samedi Nancy Pelosi dans une lettre adressée aux membres du Congrès et partagée sur Twitter.
Nos enfants, nos petits-enfants et moi avons le coeur brisé et sommes traumatisés par l'agression
Qu'un individu puisse ainsi pénétrer le domicile de la numéro 3 du pouvoir américain et s'en prendre à son mari a de quoi surprendre. Pourtant, en son absence, ni son domicile ni sa famille ne bénéficient d'une protection officielle. C'est donc la police qui est intervenue à la résidence des Pelosi, située dans un quartier chic de San Francisco.
Hausse des menaces recensées
L'affaire, qui survient à dix jours des élections de mi-mandat, qui doivent déterminer si Joe Biden conserve la majorité au Congrès, met au jour le climat politique de plus en plus violent qui règne aux Etats-Unis. L'ancien président Donald Trump - et de nombreux républicains avec lui - continuent de soutenir que les démocrates ont volé la dernière présidentielle.
>> Lire : Les "midterms", ces élections de mi-mandat cruciales pour les Etats-Unis
En 2021, la police du Capitole a recensé 9625 menaces jugées sérieuses contre des parlementaires, près du triple de 2017 (3939). Les femmes issues de la diversité et les membres de la commission d'enquête sur l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, en sont les principales victimes. L'élue démocrate, Pramila Jaypal, en a fait les frais, elle qui a été menacée par un individu armé cet été.
Quant à Nancy Pelosi, 82 ans, elle est depuis des années une cible de choix pour les républicains. Première femme speaker du Congrès en 2006, la Californienne incarne à elle seule la philosophie démocrate et tout ce que les républicains trumpistes abhorrent. Le 6 janvier 2021, lors de l'assaut du Capitole, les assaillants avaient du reste envahi son bureau au cri de "Où est Nancy?".
Un débat de plus en plus violent
Quelques mois plus tard, en août 2021, le représentant républicain Kevin McCarthy, qui espère lui succéder après les élections du 8 novembre, avait confié à un groupe d'élus du Tennessee qu'il brûlait d’impatience de lui ravir le marteau, l'objet qui symbolise le pouvoir du speaker.
"Ca va être dur de ne pas la frapper avec", avait-il ajouté. S'il s'était ensuite excusé, il n'en avait pas moins regretté qu'on ne puisse plus plaisanter, rapporte Le Monde.
Ce qui avait commencé par un coup de fil déplacé se traduit désormais par des menaces concrètes de violence et même par des actes de violence
Dans ce climat délétère, plusieurs voix ont alerté sur le risque accru de violences contre la classe politique. Chaque parlementaire a même reçu 10'000 dollars pour renforcer la sécurité de son domicile. Mais cela pouvait-il suffire?
Début octobre, la sénatrice républicaine du Maine Susan Collins avait averti dans les colonnes du New York Times qu'elle ne serait "pas surprise" si un élu ou un sénateur "se faisait tuer".
Un acte "intentionnel"
Sur son blog, le suspect -dont le San Francisco Chronicle retrace le parcours- aborderait tous les thèmes de l'ultradroite dont le vaccin contre le Covid-19 et la "fraude" qui a abouti à l'élection de Joe Biden. De là à expliquer son geste?
"Ce n'était pas un acte aléatoire (...) c'était intentionnel", a affirmé Bill Scott, le chef de la police de San Francisco, samedi, avant de préciser que l'homme, qui a été arrêté, serait accusé de tentative d'homicide, d'agression avec une arme mortelle, de cambriolage et d'autres délits.
La démocratie en danger
"Vous ne pouvez pas condamner la violence à moins de condamner ces personnes qui continuent de prétendre que les élections n'étaient pas réelles, qu'elles ont été volées - toutes les conneries qui ont été diffusées pour saper la démocratie", a insisté le président Biden, s'exprimant après l'agression depuis son Etat natal du Delawaere.
Aux Etats-Unis, l'agression subie par Paul Pelosi augmente encore d'un cran l'inquiétude pour les valeurs démocratiques. A ce titre, le silence de Donald Tump, très investi dans la campagne républicaine, était particulièrement éloquent.
Juliette Galeazzi