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Frédéric Louault: "La marge de manoeuvre de Lula sera très limitée"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Frédéric Louault, auteur du livre "Le Brésil en 100 questions"
L'invité de La Matinale (vidéo) - Frédéric Louault, auteur du livre "Le Brésil en 100 questions" / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 13 min. / le 31 octobre 2022
Lula signe un come-back historique. A 77 ans, il commencera le 1er janvier son troisième mandat à la tête du Brésil, douze ans après avoir quitté le pouvoir. Lula devra réconcilier un pays "fortement polarisé", prévient Frédéric Louault, politologue et spécialiste de l'Amérique latine.

Luiz Inacio Lula da Silva a obtenu dimanche 50,9% des voix contre 49,1% pour le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, qui ne s'est toujours pas manifesté. "Dans n'importe quel pays au monde, le candidat défait m'aurait déjà appelé pour reconnaître sa défaite. Il ne m'a toujours pas appelé, je ne sais pas s'il va appeler et s'il va reconnaître" sa défaite, a déclaré Lula s'adressant à ses partisans.

>> En lire plus : Lula remporte de justesse la présidentielle au Brésil face à Bolsonaro

"Les principales autorités brésiliennes ont reconnu le résultat et ont tendu la main à Lula, notamment les gouverneurs de l'Etat de Sao Paulo et de Minas Gerais, ainsi que le président de l'Assemblée nationale. Ce qui rassure sur l'acceptation du résultat par la clan de Bolsonaro", analyse Frédéric Louault, politologue et auteur de "Brésil en 100 questions" (Ed. Taillandier), lundi dans La Matinale de la RTS.

Et d'ajouter: "Jair Bolsonaro n'a pas soufflé sur les braises, et les violences post-électorales qu'on craignait ne se sont pas concrétisées." Le Brésil entre dans une période de transition de deux mois. "Il est un peu trop tôt pour savoir si la transition se fera de manière pacifique", avertit Frédéric Louault. "Jair Bolsonaro peut encore tenter d'empêcher Lula de prendre le pouvoir."

>> Ecouter l'analyse dans Forum d'Anne Vigna, correspondante de la RTS au Brésil, sur le silence de Bolsonaro :

Le président brésilien Jair Bolsonaro n’a toujours pas reconnu sa défaite
Le président brésilien Jair Bolsonaro n’a toujours pas reconnu sa défaite / Forum / 2 min. / le 31 octobre 2022

Des actes violents ne sont pas exclus

Autre interrogation: la réaction des partisans de Jair Bolsonaro. "Ils sont pour l'instant assommés par le résultat, mais ils pourraient se remobiliser dans les prochains jours, voire les prochaines semaines", dit Frédéric Louault. "Jair Bolsonaro a déjà dit à plusieurs reprises qu'il n'était pas responsable de ses militants, même si beaucoup d'entre eux se sont sentis encouragés, par ses déclarations, à mener des actions violentes."

Frédéric Louault rappelle que ces derniers jours une députée de Jair Bolsonaro a braqué une arme sur un journaliste et qu'un ex-député a lancé des grenades sur des policiers qui venaient l'arrêter.

"On sent qu'il y a un climat de tension et de violence. Et Jair Bolsonaro ne gère pas, ne contrôle pas sa base militante. Certains groupes organisés pourraient tenter d'aller à Brasilia, la capitale, pour intimider le camp de Lula. Des violences spontanées et individuelles sont aussi possibles un peu partout dans le pays."

>> Ecouter aussi la revue de presse de Tout un Monde :

L'ex-président Lula, au sortir du bureau de vote pour le 2ème tour de la présidentielle au Brésil. [EPA - Antonio Lacerda]EPA - Antonio Lacerda
Une petite victoire de Lula et un grand silence de Bolsonaro / Tout un monde / 3 min. / le 31 octobre 2022

Menaces "mesurées" sur les institutions

Les institutions brésiliennes ont montré leur force, même si les menaces ont été "mesurées", selon le politologue. "La Cour suprême, qui a eu un mandat renforcé durant la pandémie de Covid-19, s'est affirmée comme la principale institution qui fait respecter la démocratie brésilienne. Elle a montré qu'elle était capable de tenir une personnalité avec des tendances autoritaires comme Jair Bolsonaro."

Le Brésil est fortement polarisé, indique Frédéric Louault. "La marge de manoeuvre de Lula sera très limitée, car il n'a pas de majorité au Congrès. Son parti, le Parti des travailleurs, ne contrôle que 80 sièges sur 513. L'alliance qui a porté Lula au pouvoir contrôle environ 120 sièges. C'est très loin de la majorité. Lula va donc devoir négocier avec des députés qui sont plus proches idéologiquement de Jair Bolsonaro. Cette majorité sera donc instable et va l'empêcher de mener de grandes réformes", estime-t-il.

Lula devra consolider le socle de la démocratie et rassurer les Brésiliennes et Brésiliens. "L'un des objectifs du programme politique de Lula est de relancer l'économie pour redistribuer les fruits de la croissance envers les plus pauvres pour lutter contre la faim et l'extrême pauvreté", annonce Frédéric Louault. D'autant plus que les perspectives économiques du Brésil sont "assez sombres".

Lula devra également tenter "de restaurer l'image du Brésil sur la scène internationale", notamment sur les questions climatiques.

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs/vajo

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La victoire de Lula saluée dans le monde

Le président américain Joe Biden a félicité Lula, avec lequel il dit avoir "hâte de travailler". Même réaction à Moscou pour le président russe Vladimir Poutine, qui espère une "coopération russo-brésilienne constructive".

Côté européen, le chef de la diplomatie Josep Borrell s'est dit "impatient" de travailler avec le gouvernement de Lula. Dans un tweet, le président français Emmanuel Macron a salué la victoire de Lula, souhaitant "renouer le lien d'amitié" entre Paris et Brasilia.

Le nouveau Premier ministre britannique Rishi Sunak a aussi exprimé sa "hâte" de travailler avec Lula. Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sanchez, quant à lui, voit dans la victoire de Lula une chance pour la "justice sociale" et la lutte "contre le changement climatique".

A Pékin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a assuré que la Chine est prête à porter le partenariat entre les deux pays à "un niveau supérieur".