La Cour suprême américaine proche de mettre un terme à la discrimination positive sur les campus
La Cour suprême a consacré, de manière exceptionnelle, près de cinq heures d'audience aux procédures d'admission dans les plus vieilles universités privée et publique du pays, celles d'Harvard et de Caroline du Nord.
Comme nombre d'établissements très sélectifs, elles prennent en compte la couleur de la peau ou l'origine ethnique de leurs candidats dans l'évaluation de leurs dossiers. L'objectif est de corriger les inégalités issues du passé ségrégationniste des Etats-Unis et d'augmenter la part des étudiants noirs, hispaniques ou amérindiens dans l'enseignement supérieur.
Ces politiques, dites de discrimination positive, ont toujours été très critiquées dans les milieux conservateurs qui les jugent opaques et y voient du "racisme inversé".
De profondes divisions à la Haute Cour
Saisie à plusieurs reprises depuis 1978, la Cour suprême a interdit les quotas, mais a autorisé les universités à prendre en compte, parmi d'autres, les critères raciaux, en jugeant que la recherche d'une plus grande diversité sur les campus était "légitime". La haute Cour a à nouveau été sollicitée récemment pour prendre position, certains jugeant qu'utiliser de tels critères était source de divisions.
La Cour suprême a semblé vouloir changer la loi, mais n'a pas encore pris de décision définitive, les débats montrant de profondes divisions. La haute juridiction n'a en effet jamais été aussi diverse qu'aujourd'hui avec deux magistrats afro-américains et une hispanique, mais une solide majorité conservatrice (six juges sur neuf).
Quels sont les bénéfices académiques d'une plus grande diversité?
"Quels sont les bénéfices académiques d'une plus grande diversité?", a interrogé avec insistance le juge noir Clarence Thomas, un détracteur des programmes de discrimination positive dont il a pourtant bénéficié pour étudier à la prestigieuse université de Yale. Harvard a utilisé "la diversité comme subterfuge" pour écarter les étudiants juifs dans les années 30, a pour sa part relevé le juge Neil Gorsuch.
"Utiliser des classifications raciales est dangereuse, il doit y avoir un point final", a pour sa part insisté la juge Amy Coney Barrett, en rappelant que la Cour avait elle-même imaginé que ces politiques ne seraient plus nécessaires dans 25 ans.
Des effets "dévastateurs" avancés
Les trois juges progressistes ont eux tenté de défendre le statu quo. Les critères racio-ethniques "ne sont jamais les seuls pris en compte" et les étudiants fournissent ces données "sur une base volontaire", a souligné la juge afro-américaine Ketanji Brown Jackson qui s'est récusée dans le dossier d'Harvard parce qu'elle a siégé au conseil de surveillance de l'établissement.
La place des minorités va s'effondrer
Si les universités n'ont plus le droit de prendre en compte des critères ethno-raciaux, "la place des minorités va s'effondrer", a ajouté la juge Elena Kagan, en soulignant que les campus servaient "de viviers pour les leaders du pays". Une telle décision "aurait des effets dévastateurs", a ajouté Elizabeth Prelogar, qui leur a apporté son soutien au nom du gouvernement du président démocrate Joe Biden.
La Cour suprême doit rendre sa décision avant la fin juin 2023.
afp/boi