"Qu'il retourne en Afrique": un député français exclu durant 15 jours pour propos racistes
L'Assemblée nationale a été sidérée jeudi par la remarque du député RN Grégoire de Fournas, qui a interrompu la prise de parole de l'élu de la France insoumise (LFI) Carlos Martens Bilongo sur le sort des centaines de migrants bloqués en mer après avoir été secourus en Méditerranée.
Alors que son collègue s'exprimait, Grégoire de Fournas a crié à l'assemblée "Qu'il retourne en Afrique", soulevant une vague de protestations dans l'hémicycle, jusqu'à ce que la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet ne doive suspendre la séance en raison de la "gravité des faits" et de "l'émotion légitime".
Des députés se sont ensuite rassemblés en masse au pied du perchoir pour réclamer des sanctions, une scène inédite.
Une exclusion de 15 jours
Saisie, l'Assemblée nationale a statué vendredi en décidant lors d'un vote une exclusion de 15 jours pour Grégoire de Fournas. Il lui est désormais interdit de prendre part aux travaux de l'assemblée et même de s'y rendre durant 15 jours. Il est aussi privé de la moitié de son indemnité parlementaire durant deux mois. Selon le règlement, il s'agit de la sanction la plus sévère qui pouvait lui être attribuée.
Yaël Braun-Pivet a ensuite précisé que cette sanction n'avait été prononcée qu'une seule fois depuis 1958, ajoutant que "le libre débat démocratique ne saurait tout permettre, certainement pas l'invective, l'insulte, le racisme, quelle qu'en soit la cible car il est la négation des valeurs républicaines qui nous rassemblent dans cet hémicycle".
Un rassemblement de soutien à Carlos Martens Bilongo s'était également tenu à la mi-journée devant le bâtiment abritant l'Assemblée nationale.
"Racisme", dit l'un, "incompréhension", assure l'autre
Interrogé dans les médias avant sa suspension, Grégoire de Fournas a confié être "navré" de l'incompréhension suscitée par ses propos. Dénonçant une "honteuse manipulation" de LFI, le député RN de Gironde a précisé avoir déclaré "Qu'ils retournent en Afrique", au pluriel, en évoquant le bateau et les migrants, "évidemment pas mon collègue". Il a par la suite ajouté qu'il ne s'excuserait pas et qu'il maintenait ses propos sur la "politique migratoire anarchique de notre pays".
Carlos Martens Bilongo avait de son côté publié un message sur Twitter, y déclarant notamment "Je ne pensais pas entendre un jour ces mots au sein de l'Assemblée nationale. Mais le racisme nous rattrape toujours, même dans les lieux les plus prestigieux de la République". Le député LFI du Val d'Oise avait dit attendre "la sanction la plus lourde" contre une "phrase raciste" venue d'un élu d'un parti d'extrême droite qui "n'a jamais changé" et qui "représente un danger pour notre pays".
Mélenchon en colère, Macron heurté
Depuis 24 heures, les accusations de racisme ont fusé dans la classe politique française, essentiellement au sein de la Nupes, la coalition des partis de la gauche française, et dans le camp présidentiel.
Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a parlé de "honte" et fustigé le RN comme un parti de "guerre civile et de racisme", alors que le vice-président du groupe parlementaire Alexis Corbières a dénoncé un cas grave qui était loin d'être unique.
Au sein de la majorité, le président Emmanuel Macron s’est dit "heurté" par des "mots intolérables", selon son entourage cité par l'afp, alors que la Première ministre Elisabeth Borne a estimé que "le racisme n'a pas sa place dans notre démocratie".
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a de son côté déclaré que ce soit le singulier ou le pluriel qui ait été employé, ces propos sont "évidemment inhumains et racistes". "C'est la première fois que j'entends quelque chose d'aussi ignominieux, ce n'est pas un détail de notre histoire politique", a-t-il aussi dénoncé.
Une "manipulation" dénoncée par le RN
Nombre de commentateurs et commentatrices politiques ont aussi vu dans cette polémique un échec dans la stratégie de normalisation entreprise par le RN pour tourner la page Jean-Marie Le Pen et ses divers dérapages.
Face au tollé, la leader du parti Marine Le Pen a défendu le député de son groupe, estimant que "la polémique créée par nos adversaires politiques est grossière et ne trompera pas les Français". Et d’estimer que "Grégoire de Fournas a évidemment parlé des migrants transportés en bateaux par les ONG qu'évoquait notre collègue dans sa question au gouvernement".
Son successeur désigné à la tête du parti Jordan Bardella a tenu des propos similaires, alors que le vice-président de l'Assemblée nationale et député RN Sébastien Chenu a parlé d'une "manipulation pas très classe de LFI".
Frédéric Boillat