L'Ocean Viking est bloqué en mer depuis près de deux semaines avec 234 naufragés à son bord, sans possibilité d'accoster.
Et la directrice générale pour la Suisse de SOS Méditerranée, qui gère ce navire humanitaire, dit ne pas trouver de solution. "Nous n'avons reçu aucune réponse à nos demandes de débarquement et on est dans l'attente d'un endroit sûr pour débarquer les rescapés. On doit être à la 22e demande. C'est la première fois de l'histoire de SOS Méditerranée qu'on fait autant de demandes", a déploré Caroline Abu Sada samedi dans Forum.
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Etats de santé physique et psychique dramatiques
Avec cette longue attente, la situation se dégrade peu à peu sur le navire. "On a affaire à des gens qui sont dans des états de santé physique et psychique assez dramatiques", décrit Caroline Abu Sada, ajoutant que des tensions commencent à naître entre les rescapés. "L'état de santé général se dégrade, c'est extrêmement compliqué pour les gens de n'avoir aucune perspective, aucune idée du temps que cela va prendre avant de pouvoir être débarqués dans un port sûr."
La directrice générale de SOS Méditerranée Suisse avoue ne pas savoir combien de temps cette attente pourra durer: "Nous traversons une phase de mauvais temps. On a essayé de déplacer le bateau pour que les gens soient moins affectés par les vagues, le vent et le froid, mais cela reste compliqué. En termes d'eau et de nourriture, on a ce qu'il faut pour pouvoir tenir encore plusieurs jours."
Quelques signes positifs donnent toutefois un certain espoir. La France a ainsi déclaré vendredi être prête à accueillir des femmes et des enfants. "C'est un début", estime Caroline Abu Sada, relevant toutefois qu'un sauvetage n'est considéré comme terminé en droit maritime que quand les rescapés sont débarqués dans un port sûr. "Pour répondre au droit maritime, il faudrait donc débarquer la totalité des rescapés."
Deux navires autorisés à accoster en Italie
Sous la pression de la France et de l'Allemagne notamment, deux autres navires ont par ailleurs été autorisés à entrer dans les eaux territoriales italiennes, mais avec des conditions très strictes imposées par le nouveau gouvernement: le navire de l'ONG allemande SOS Humanity, avec 179 migrants à bord, et le bateau de l'ONG Médecins sans frontière Geo Barrents, qui transporte 572 personnes.
Parlant du navire Humanity 1, le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a annoncé que des médecins monteront à bord quand il sera arrivé à Catane pour vérifier l'état de santé des migrants.
"Il pourra rester dans nos eaux territoriales le temps nécessaire pour que nous examinions toutes les urgences à bord. Nous accepterons toutes les personnes mineures, des femmes enceintes ou avec de jeunes enfants ou des personnes qui ont la fièvre", a assuré le chef de la diplomatie italienne. Mais "toutes les personnes qui ne remplissent pas ces critères devront être reconduites hors de nos eaux territoriales par le navire", a-t-il prévenu.
Interrogée à propos du nouveau gouvernement italien, qui s'est engagé à sévir contre les migrants fuyant en bateau d'Afrique du Nord vers l'Europe, Caroline Abu Sada relève que ce changement politique a eu des conséquences directes sur l'attente imposée aux bateaux de sauvetage: "Du jour au lendemain, dès la nomination du gouvernement, une réflexion autour de l'interdiction d'entrer dans les eaux territoriales a été annoncée, une interdiction qui ne nous a d'ailleurs jamais été signifiée directement."
Plus de 1000 migrants secourus
Le Rise Above, de l'association allemande Mission Lifeline, cherche lui aussi toujours un port après avoir secouru 95 personnes en trois opérations jeudi. Il a annoncé transporter 42 mineurs, dont huit bébés.
Rise Above, Humanity 1, Ocean Viking et Geo Barents hébergent à eux seuls plus de 1000 personnes recueillies en Méditerranée ces dernières semaines.
Plusieurs organisations caritatives ont encore appelé samedi à autoriser à débarquer au plus vite les enfants secourus dans des ports sûrs.
Propos recueillis par Coraline Pauchard
Adaptation web: Frédéric Boillat avec afp