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Les "maires de nuit", une nouvelle gestion politique de la vie nocturne

Photographie de nuit de Genève et ses environs (le Grand Genève), le 25 septembre 2019. [Keystone - Magali Girardin]
Des villes désignent des Maires de nuit parce qu'on l'investit toujours plus / Tout un monde / 6 min. / le 7 novembre 2022
Alors qu'environ 15% des salariés travaillent la nuit en Europe, les villes sont désormais obligées d'inclure cette dimension dans leur agenda politique. Pour répondre à cette nouvelle exigence, elles ont mis en place des maires de la nuit, dédiés à l'organisation de la vie nocturne.

Agents de police, personnel de livraison, éboueurs, beaucoup de personnes travaillent de nuit. Pensée comme un espace de pause et de repos ou comme un moment dédié aux festivités, la vie nocturne a toutefois mis du temps à être considérée comme une temporalité également occupée par le travail.

Luc Gwiazdzinski, géographe et professeur à l'école nationale supérieure d'architecture de Toulouse, estime que ces salariés qui travaillent après l'heure du souper, les occasionnels comme les réguliers, ne sont pas réellement considérés comme des citoyens. "Ils n'ont pas d'accès à un certain nombre de services, ne serait-ce que les transports en commun", relève-t-il lundi dans l'émission Tout un monde.

"C'est comme s'il y avait 8 heures sur les 24 qui ont été extraites, comme s'il ne s'y passait rien." Alors que, explique-t-il, avec la mondialisation, les changements de modes de vie ou l'arrivée d'internet, la nuit a été "colonisée par les activités du jour".

>> Redécouvrir l'analyse des enjeux de la nuit au 21e siècle, par Luc Gwiazdzinski dans l'émission Tribu :

La nuit. [Depositphotos - KostyaKlimenko]Depositphotos - KostyaKlimenko
La nuit / Tribu / 26 min. / le 7 septembre 2021

Des maires de la nuit

Pour répondre à ces nouvelles questions politiques, le travail de maire de la nuit émerge depuis une vingtaine d'années. Concept né en 2003 à Amsterdam, le nombre de maires de la nuit s'élève à une cinquantaine dans le monde. A Genève, on trouve un équivalent helvétique, le Grand Conseil de nuit.

Initialement destinées à la gestion de la vie festive et culturelle, ces mairies considèrent de plus en plus la nuit comme un environnement politique à part entière. Frédéric Hocquart, adjoint de la mairie de Paris en charge du tourisme et de la vie nocturne, a commencé par s'occuper des bars et clubs de la ville, avant de s'atteler à de nouveaux enjeux: l'éclairage, les discriminations sexistes et sexuelles ou encore l'augmentation de l'offre en transports en commun.

"Il faut considérer la dimension de la nuit comme une dimension politique à tous les endroits de la vie politique", note Frédéric Hocquart. Le maire adjoint illustre la situation avec le traitement des déchets urbains: "Le ramassage des poubelles a été décalé, car leur utilisation a augmenté le soir dans certains quartiers. Si on attend de les ramasser le lendemain matin à 6h, vous allez avoir des poubelles qui vont rester pleines toute la nuit."

Un travail de médiation

"On a réussi à mettre tout le monde autour de la table pour discuter de la vie nocturne", se félicite Frédéric Hocquart. Pourtant, lorsqu'il est devenu conseiller à la mairie de Paris en 2014, il raconte que les associations de riverains et les bars ne voulaient pas entrer en dialogue.

Aujourd’hui, ce sont de nombreuses institutions qui collaborent: la police, les transports, la région, les organisations professionnelles. Même si toutes les questions ne sont pas résolues, reconnaît l'adjoint à la mairie, ce sont plus de 150 personnes qui travaillent activement sur la politique nocturne.

Sujet radio: Mathilde Salamin

Adaptation web: Raphaël Dubois

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