Des images prises mercredi par des journalistes à Bali en Indonésie montrent le président Xi Jinping réprimander Justin Trudeau, de façon cordiale mais ferme, après la fuite supposée dans la presse des détails d'un entretien la veille entre les deux hommes.
Le Premier ministre canadien disait avoir évoqué lors de cette rencontre "la question de l'ingérence" chinoise après qu'Ottawa a accusé Pékin de s'ingérer dans ses systèmes démocratique et judiciaire.
"Aller raconter aux journaux ce qu'on a dit lors de notre conversation, ce n'est pas approprié", déclare Xi Jinping à Justin Trudeau, dans cette vidéo d'environ une minute publiée sur le réseau social Twitter.
D'un ton calme et avec le sourire, le président s'exprime en mandarin et poursuit: "Et en plus, ce n'est pas la façon dont la discussion s'est déroulée". Ses propos sont traduits en anglais par un interprète.
"S'il y a de la sincérité de votre part, alors nous devrions avoir une discussion basée sur le respect mutuel. Si tel n'est pas le cas, difficile d'en attendre trop", poursuit Xi à l'adresse de Trudeau.
"Dialogue ouvert et franc"
Le président chinois tente alors apparemment de prendre congé du Premier ministre canadien, mais ce dernier répond, avant même d'écouter la traduction des propos de Xi Jinping.
"Au Canada, nous croyons au dialogue libre, ouvert et franc, et c'est ce que nous allons continuer à faire", déclare Justin Trudeau en anglais.
"Nous continuerons à chercher à travailler ensemble de manière constructive, mais il y aura des choses sur lesquelles nous ne serons pas d'accord", souligne-t-il.
Pékin minimise la portée de cet échange
Les mains levées et à plat devant lui, Xi Jinping met alors fin à la conversation, et son interprète traduit ainsi ses propos: "Créons d'abord les conditions nécessaires". Souriant, le dirigeant chinois serre la main du Premier ministre canadien, puis les deux hommes se séparent.
Interrogée jeudi au sujet de cette vidéo lors d'un point presse régulier, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, en a minimisé la portée.
"La vidéo contenait une brève conversation entre les dirigeants des deux pays lors du sommet du G20. C'est quelque chose de normal", a-t-elle déclaré.
"Je ne pense pas que cela devrait être interprété comme une critique ou une réprimande de qui que ce soit de la part du président Xi", a-t-elle ajouté.
"Avoir un dialogue franc n'est pas un problème pour la Chine. Nous espérons juste que ce dialogue franc soit fondé sur l'égalité et le respect mutuel, plutôt qu'empreint d'accusations condescendantes."
Extrêmement rare
Il est "extrêmement rare" que des dirigeants chinois manifestent publiquement leur mécontentement d'une manière aussi "spontanée", estime Chong Ja Ian, professeur de sciences politiques à l'Université nationale de Singapour.
Selon lui, cette conversation entre les deux hommes montre que Xi Jinping "ne considère pas Trudeau et le Canada comme des interlocuteurs véritablement sérieux".
Le ton de l'échange était semblable à celui "d'une 'grande' puissance s'adressant à une moins grande", juge de son côté Van Jackson, professeur en relations internationales à l'université Victoria de Wellington, en Nouvelle-Zélande.
La rencontre de mardi entre Xi Jinping et Justin Trudeau était le premier dialogue en face-à-face entre les deux dirigeants depuis 2019.
"Jeux agressifs"
La police fédérale canadienne a indiqué jeudi dernier mener une enquête sur de supposés "postes de police" mis en place illégalement par la Chine au Canada pour contrôler notamment les Chinois exilés ou expatriés.
Justin Turdeau a également déclaré la semaine dernière que la Chine se livrait "à des jeux agressifs" après que la chaîne canadienne Global News a fait état d'une ingérence chinoise dans le processus électoral au Canada.
Détérioration des relations
Les relations entre Pékin et Ottawa se sont fortement dégradées ces dernières années, notamment après l'arrestation en 2018 par le Canada, sur demande des Etats-Unis, de la directrice financière de Huawei, géant chinois des télécoms.
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Malgré une détente relative après sa libération l'an dernier et celle de deux Canadiens qui avaient été arrêtés en représailles, ces dernières semaines ont été marquées par un nouveau durcissement des relations.
La Chine reproche par ailleurs régulièrement au Canada d'être trop inféodé aux Etats-Unis.
afp/doe
En 1999 déjà, la colère d'un président chinois à Berne
Les réprimandes, en particulier les déclarations spontanées, de la part de dirigeants chinois restent chose rare.
Le 14 mars 1999, le président chinois Jiang Zemin est sifflé par des manifestants pro-tibétains à son arrivée au Palais fédéral. Furieux, il refuse de participer à la cérémonie des honneurs militaires et ne salue pas les membres du Conseil fédéral qui l'attendent in corpore.
Dans son discours, il critique vertement les autorités suisses: "Est-ce que vous n'avez pas la capacité de gérer ce pays? Aujourd'hui, vous avez perdu un ami".